Quand la BD fait son théâtre – partie 2 – Parole de planches
par David Lefebvre
Partie 2 – Parole de planches
(lire la partie 1 –Quand la BD fait son théâtre – partie 1 – Rouge Ketchup)
Au moment d’écrire ces lignes, l’un des plus ludiques festivals de la belle Capitale, le Festival de la bande dessinée francophone de Québec (FBDFQ), bât son plein. Célébrant cette année son 28e anniversaire, l’événement propose une multitude d’activités, plus mémorables les unes que les autres. Mentionnons La Fièvre des planches 2 : Swing’n’Love pour les amateurs de danse, la conférence d’Emmanuel Lepage sur son voyage au coeur de l’Antarctique (et de sa BD qui en a découlé), le voyage musical dessiné Panoramas, le concert-lecture Satie : croquis et agaceries, une tonne de rencontres avec les artistes, des échanges, des expos… bref, on ne s’ennuie jamais au FBDFQ.
Le 9 avril dernier avait lieu au Théâtre Petit Champlain la première édition de Parole de planches, une « immersion » au coeur de la BD par la mise en lecture théâtralisée de planches et de phylactères de huit bouquins, allant de la catégorie « à découvrir » à celle «archiconnue ».
Présentée par le FBDFQ et Lyon BD (où le spectacle sera présenté en juin prochain), Parole de planches regroupe sur scène trois comédiens québécois, soit Anne-Élisabeth Bossé, Lise Castonguay et Jean-Philippe Bergeron (l’instigateur du projet), ainsi que trois de France : Tony Curien, Éléonore Lavigne et Léo Tasserit. Leur terrain de jeu : la Saga Bulles de Jean-Philippe et Damien, Les Dormants de Jonathan Munoz, Hiver nucléaire de Cab, Boule & Bill (nouvelle mouture) de Laurent Verron, Paul à Québec de Michel Rabagliati, Lincoln d’Olivier Jouvray, Les cousines vampires d’Alexandre Fontaine-Rousseau et les impayables personnages des Nombrils du duo Delaf et Dubuc.
Alternant entre lectures avec lutrins et courtes mises en scène, Parole de planches nous entraîne au travers de quelques pages choisies des précédents titres, un peu comme si nous avions droit au scénario et aux didascalies des auteurs, mettant en contexte l’histoire pour aider le dessinateur. Et le dessinateur, c’est nous, c’est notre imagination qui s’emballe alors que les voix se font entendre.
Si Bulles, Hiver nucléaire et Les cousines vampires s’avèrent à plusieurs égards les plus sobres dans leur démarche théâtrale, les autres tableaux proposent un petit quelque chose d’unique très intéressant.
Les dormants, par exemple, use de dessins sur carton disposés sur scène, devant deux hommes qui s’endorment à la venue d’une jeune femme « soporifique ». L’un des deux se réveillera, insomniaque et amnésique, visitant le petit village inconnu avec l’ingénue à coup de Polaroïd en guise de souvenirs. À Boule et Bill, on emprunte le ton du gag, personnifiant le chien, le gamin et le père qui chanteront même les vacances.
Lincoln verra une jeune auteure assise au café en train de réfléchir à son scénario, dont les idées lui sont soufflées à l’oreille par les deux personnages qu’elle crée en direct. Les Nombrils, qui a sa propre adaptation théâtrale pigeant dans les quatre premiers tomes de la série, signée par Jocelyn Roy, fait bien ressortir les caractères distincts des Vicky, Jenny, Karine, Dan et autres personnages que l’on adore. L’humour mordant fait mouche à chaque réplique. À noter, certains échos disent que la pièce pourrait être présentée l’été prochain lors du Festival de la BD de Montréal.
La grande surprise de la soirée est venue lors de la lecture de Paul à Québec, qui fut accompagnée par deux extraits exclusifs du film qui prendra l’affiche en septembre prochain. Émouvant.
De la sensation de thriller pour Bulles au truc plus rigolo pour Boule et Bill, la musique échantillonnée et en direct du Québécois Nicolas Jobin (LIQIBD) et du Lyonnais Julien Limonne (Dans ta bulle) a su imprégner les lectures d’une atmosphère tout à propos.
Étrangement, le seul bémol du spectacle provient de la projection des images des bandes dessinées sur un écran géant en fond de scène. Les cases se faisaient rares en première partie, passant du simple et unique croquis de Pierre, Boule et Bill par Laurent Verron à deux ou trois dessins d’Hiver nucléaire. Choix de la mise en scène, problèmes de droits d’auteur, problèmes techniques, aucune ou toutes ces réponses, nous n’avons malheureusement pas de réponses, mais il est clair que l’image faisait souvent défaut avant l’entracte. On a un peu corrigé le tir par la suite, alors que Lincoln et (spécialement) Les cousines vampires proposaient davantage de planches accompagnant la lecture.
Une très belle expérience que fut ce tout premier Parole de planches. On souhaite de tout coeur un retour du spectacle l’an prochain, encore plus étoffé et audacieux !
Parole de planches, adaptation et mise en scène : Jean-Philippe Bergeron et Tony Curien
Idée originale : Jean-Philippe Bergeron