Scalpel : au public de trancher

Scalpel : au public de trancher

Nous sommes en 1950. La docteure Mathilde Massé-Francoeur s’apprête à opérer son mari avocat et lui installer un stimulateur cardiaque de son invention. Ce matin-là, dans l’hôpital, traînent Léon Delisle, journaliste conservateur et fouineur, Marcel Caron, un préposé, et Simone Joly, la secrétaire de Me Francoeur. Quelques minutes après l’opération, l’homme décède en salle de réveil. Simple accident ou assassinat ? C’est alors qu’intervient le détective Beauregard, qui mandate un jury populaire pour trouver le ou la coupable. Ce dernier ou cette dernière ira directement en prison, sans aucun autre procès que celui-ci. Le verdict sera sans appel.

Pour cette production fort amusante intitulée Scalpel, la compagnie Épisode (fondée à Québec en 1987) profite de la technologie pour jumeler jeu d’enquête à la « whodunnit » (le roman jeu) et théâtre interactif. C’est le policier Yvon Beauregard (interprété avec une certaine bonhommie par le sympathique Denis Marchand) qui mène la danse et interpelle à l’écran, en direct, les quatre suspects. Chacun se présente, plaide sa cause et accuse évidemment son voisin. La production propose alors une expérience plus cinématographique grâce à des reconstitutions tournées dans un décor réel, reproduisant un hôpital d’époque (bravo à l’équipe de tournage, soit Laurent Marion, Matthew Fournier, Hugo B. Lefort, Christian David). La réalisation des capsules est d’ailleurs léchée et fort intrigante, nous montrant chaque scène de manière différente selon le point de vue des suspects.

Frédérique Bradet, fidèle à son habitude, brille parmi ses collègues. Elle offre une Docteure Mathilde Massé-Francoeur fière, forte, déterminée… ou apeurée, anxieuse, voire méchante, selon les scènes. Charles-Antoine Brochu interprète un Marcel Caron qui semble réellement désirer aider la médecin lors de son opération délicate ; de sa voix nasillarde, Karl-Patrice Dupuis joue le journaliste à scandale sans vergogne (le genre de personnage que l’on aime détester) et Angélique Patterson, en secrétaire éplorée, se montre tout aussi indépendante qu’affligée. Il est à noter que ces comédiens sont en alternance avec d’autres acteurs, dont Anne-Virginie Bérubé, Geneviève Boivin, Jean-Michel Girouard et Philippe Savard.

Puis, c’est au tour des spectateurs de s’impliquer dans l’enquête, par l’entremise du clavardage ou, pour les plus audacieux, en s’adressant directement aux protagonistes. Cependant, rien à craindre : si la compagnie utilise le logiciel Zoom, elle ne permet pas aux caméras de s’activer, et les micros sont actifs qu’au moment où on autorise la pose de question. Un certain anonymat est donc conservé du côté du public, poussant les plus timides à une participation plus dynamique. Et plus la soirée avance, plus les questions se font pressantes et précises, autant dans le clavardage, où le jury échange sur les indices, que lors des périodes de questions.

Si, lors de notre passage, les comédiens n’ont pas été talonnés à outrance par le public, ils ont quand même fort bien fait lors des interrogatoires en direct – les questions, n’étant pas scriptées, demandent une bonne dose d’improvisation. Et certaines questions, même si elles ne donnent pas à priori les résultats escomptés, ouvrent la porte à d’autres interrogations fort prometteuses. Le succès de l’entreprise est donc dans la participation active du public.

Concocté par Claude Montmigny et Caroline Stephenson, mis en scène par Marika Henrichon, Scalpel se veut une réflexion sur le tribunal populaire vindicatif des réseaux sociaux, et du pouvoir (disproportionné) de ce jury sans mandat, qui peut accuser et clouer au pilori quiconque lui semble suspect. Si les intentions sont bonnes, le résultat peut aller à l’encontre du message : trouver le vrai ou la vraie coupable peut alors signifier que le jugement populaire pourrait avoir du bon ou, même, sa raison d’être… ce qui met au jour une des (petites) failles de la production. Si ce jeu d’énigme théâtral s’avère somme toute charmant, il manque certainement de complexité : les Sherlock Holmes et autres Poirot de ce monde pourraient trouver (très) rapidement la solution. Mais le jeu est trop sympathique pour ne pas en profiter jusqu’au bout.

Photo : capture d’écran de la vidéo promotionnelle


[tribe_event_inline id= »20535″]

Calendrier

{title:linked}

{thumbnail}

Du 13 au 21 décembre 2021

{venue:linked}

{excerpt}

[/tribe_event_inline]

Tagged: , , ,