Par Marie Pâris

Dans l’Allemagne protestante de la fin du XXe siècle, un groupe d’adolescents enfermés dans la rigueur des éducations scolaire et parentale découvrent l’autre sexe, leur corps et leur désir. Adaptée de la pièce du dramaturge allemand Frank Wedekind, l’histoire est poignante et belle. Mais l’adaptation plus contemporaine en musique l’est beaucoup moins…

Désirant mettre un peu de modernité dans ce contexte germano-protestant, cette comédie musicale s’appuie sur un livret de chansons pseudo pop-rock très nineties, principalement composé de ballades larmoyantes. Les passages chantés viennent s’intercaler entre les répliques des comédiens toutes les dix secondes – on exagère à peine, on se croirait dans un Disney. Résultat : un spectacle lourd qui s’étend sur deux heures.

Les textes des chansons sont un peu fades, parfois ringards, et tranchent avec le contexte sombre de la pièce et son époque. Les éclairages rouge pop des numéros chantés viennent cogner avec le noir-gris-blanc des costumes, détonnant plutôt avec mauvais goût qu’avec contraste artistique. À la limite, le côté kitsch aurait pu être assumé jusqu’au bout avec un certain degré d’humour…

La comédie musicale, exercice périlleux

Avec cette adaptation musicale anachronique, la volonté était sans doute de montrer que, même si l’histoire se passe au XIXe siècle, on se retrouve encore aujourd’hui dans les émotions et les carcans, que le mal-être de la jeunesse n’a pas d’âge, etc. Dommage, pour une fois qu’on aurait pu éviter d’évoquer (encore) le Québec des années soixante, le voilà qui se profile en filigranes avec son étau religieux et ses moeurs rigides.

On notera au passage le beau travail sur les costumes, entre chaussettes hautes, jupes de laine et pantalons à bretelles, qui placent tout de suite l’atmosphère puritaine et étouffante. Dans L’Éveil du printemps, tous les adultes portent des lunettes noires – figurant l’aveuglement ?

Dans cette promotion du Conservatoire d’art dramatique, on relève un manque d’harmonie dans le jeu : ainsi, certains s’expriment avec un accent québécois prononcé, d’autres miment les inflexions germaniques – s’approchant parfois de la caricature. Certains se démarquent en tout cas avec leur voix et la maîtrise qu’ils en ont acquise, et la distribution met bien en valeur ces jeunes talents.

Le problème d’aller voir de si jeunes comédiens, c’est que l’éveil du printemps a aussi lieu dans le public ; il faut ainsi faire avec les éclats de rire et autres gloussements à chaque baiser ou quand un comédien se dénude légèrement. On saluera tout de même la prise de risque pour ces finissants, qui se frottent avec audace à l’exercice périlleux de la comédie musicale – il est en effet très facile de tomber à côté… Et on les préférait pour le coup en comédie sans musique, dans le très drôle et réussi Stéphane et les voisins que la promotion avait présenté en janvier dernier.

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