(CRITIQUE) Otomonogatari – L’Éveil d’une oreille
Par Gabrielle Brassard
Le marionnettiste derrière le célèbre Loup Bleu, directeur du Théâtre du Sous-Marin jaune (Guerre et Paix, Le discours de la méthode, La Bible), est sorti de son personnage pour se mettre lui-même en scène, le temps de deux représentations au théâtre Outremont, pour nous raconter Otomonogatari – L’Éveil d’une oreille, un spectacle intimiste, personnel et original, créé en 2015 au Théâtre de la Petite Marée, à Bonaventure.
En une petite heure, Antoine Laprise (texte, interprétation, co-mise en scène et recherche musicale) explore l’univers du musicien expérimental Otomo Yoshihide, un « artiste qui a marqué sa carrière de jeune reporter… et de sagace marionnettiste », dans un Japon des années 60 et 70. Fidèle à sa marque de commerce, celle des décors de maquettes, du théâtre d’objets et de la manipulation de marionnettes de toutes sortes, Laprise nous transporte dans un univers méconnu pour la plupart d’entre nous. L’histoire de ce musicien, qui a connu un parcours singulier, est fascinante. Raconté avec humour, mais aux faits rigoureusement véridiques, le chemin de vie du jeune Otomo l’amène du Japon post-Deuxième Guerre mondiale aux États-Unis, puis au Québec, alors qu’il se produit en spectacle avec le groupe culte (un groupe pas très connu, mais dont les admirateurs qui le connaisse « tripent vraiment », d’après la définition du narrateur) Ground Zero. C’est d’ailleurs à cette occasion que Laprise voit pour la première fois le Japonais en spectacle. Cette rencontre est déterminante pour tout le reste de la vie de l’auteur… qui en fait même aujourd’hui un spectacle.
Toujours très intellectuel même si bien vulgarisé et expliqué, L’Éveil d’une oreille est plus compréhensible pour les adultes que pour de jeunes enfants, même si la pièce d’adresse « aux 10 ans et plus ». Laprise démontre, encore une fois, sa grande force de conteur d’histoires complexes et son talent inégalé pour les histoires singulières et la manipulation d’objets et de marionnettes. Dans une mise en scène simple, mais fonctionnelle dans un espace relativement restreint, de Jacques Laroche, Otomonogatari — L’Éveil d’une oreille réussit à nous envoûter et à nous amener au cœur même de Fukushima, ville d’enfance du musicien, où il retournera pour y créer le premier festival de musique, quelques mois après l’explosion de la centrale nucléaire qu’elle a connue en 2011.