(CRITIQUE) OFFTA – Le temps des lilas + Running Piece : une merveilleuse histoire du temps

« Petit frère » du FTA né il y a dix ans, l’OFFTA  s’est donné pour mission de défricher des champs artistiques encore vierges et de donner un espace d’expression à la jeune création. Une dimension laboratoire assumée qui vise à étonner autant qu’à émouvoir. En cela, le double programme d’ouverture, qui était proposé les 30 et 31 mai à l’Édifice Wilder, est parfaitement réussi.

Premier des deux spectacles de 30 minutes présentés dans ce programme inaugural, Le temps des lilas, d’Audrey Villiard, se démarque ainsi dans sa forme. Devant le spectateur, un écran de cinéma divisé en deux parties égales. À sa droite, les musiciens Mathieu Charbonneau et Simon Trottier, à la guitare et au synthé. À sa gauche, la réalisatrice, debout devant un clavier de technicien. Tout au long de la performance, c’est elle qui orchestre la narration de ce « film joué en direct », modulant le son pour mettre en avant l’une ou l’autre des deux scènes projetées simultanément sur l’écran.

Crédit photo Alexandra Lagueste

Il ne faut pas chercher de réelle intrigue dans cette expérience cinématographique d’un nouveau genre : tout est affaire de sensations dans Le temps des lilas, composé de moments de vie empreints de poésie. En fil rouge cependant, trois personnages se partagent l’affiche. Une mère, une grand-mère, un petit-fils. On les voit en ville, nimbés d’une belle lumière de fin de journée. Dans un salon soigneusement décoré, en train d’échanger des banalités, ou encore en voiture, bloqués dans les bouchons et fredonnant en chœur une chanson qui passe à la radio. Et puis entre les lignes surgit le grain de sable : la pourtant très jeune grand-mère perd la mémoire, souffle la maman à son garçon, rendant de fait chaque instant partagé encore plus précieux. Il n’est point besoin de grand effort pour se laisser happer par l’universalité du propos, et par la voix délicieuse de Barbara.

Succédant à cette jolie réflexion sur le temps qui passe, Running Piece, du touche-à-tout Jacques Poulin-Denis (chorégraphe, interprète, metteur en scène, compositeur) et de sa compagnie Grand Poney, se présente comme une pièce pour trois danseuses et un tapis de course. Ce dernier, qui occupe le centre du plateau, n’est bien sûr pas tout à fait identique à ceux que l’on trouve au gym : plus large, il est aussi contrôlable à l’envi et se révèle une formidable base de travail pour un chorégraphe.

Crédit photo Alexandra Lagueste

Portées par une bande-son imagée, également signée Jacques Poulin-Denis, les interprètes s’élancent sur la machine, en solo ou en duo. Mais après quoi courent-elles ? Du running contrarié par les facéties du tapis roulant au duo chorégraphié et parfaitement synchronisé, en passant par la « course pour la survie », usant avec humour des codes visuels et sonores du film d’action, les mini-tableaux se succèdent, construits, maîtrisés, et avec pour point commun de sublimer les corps tout en souplesse des performeuses. Présentée comme une étape de travail dans un dispositif « qui permet de voyager sans se déplacer et de se déplacer sans voyager », Running Piece est une proposition déjà très aboutie, et un «shot» de plaisir intense pour le spectateur.

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