Critique – Festival Petits Bonheurs – Courtepointe
par Daphné Bathalon
Dans un aéroport, où se croisent chaque jour des milliers de voyageurs aux origines, parcours et destinations variés, deux êtres se rencontrent, apprennent l’un de l’autre et repartent avec en bagages de nouvelles histoires et connaissances.
La Courtepointe du Théâtre du Gros Mécano, en coproduction avec le Festival Segni d’infanzia, explore ce point de rencontre de langues, d’origines, d’expériences, d’histoires et de passions multiples qui forment la trame de notre société.
Le jeune public s’amuse beaucoup en compagnie du maladroit paléontologue Claudio (Nicolas Jobin), de nulle part et de partout à la fois, et de la vendeuse itinérante Martha (Marjorie Audet), aux racines bien québécoises. Tous les deux ont d’abord bien des problèmes à se comprendre et à s’entendre. La langue est une première frontière à franchir, puis il leur faut encore parvenir à trouver un terrain d’entente, des références communes, une manière de cohabiter sans se marcher sur les pieds… avant de réaliser qu’ils peuvent aussi beaucoup apprendre de leurs différences.
Outre l’ouverture et la tolérance, Courtepointe célèbre aussi la valeur du partage et de l’échange. Coauteurs et cometteurs en scène, Carol Cassistat (Gros Mécano) et Cristina Cazzola (Segni d’infanzia) soulignent les différences entre les deux personnages, que tout semble opposer, en montrant comment ils peuvent construire quelque chose de beau ensemble, chacun de leur parcours nourrissant leur œuvre commune.
La production trace aussi d’habiles parallèles avec les parcours migratoires de l’humanité : esclavagisme, colonialisme, guerres, routes marchandes, en remontant même jusqu’à la Pangée. Personnages et spectateurs réalisent que toutes les sociétés n’en forment en fait qu’une, beaucoup plus vaste et interconnectée. Le spectacle aborde aussi la délicate question de l’occupation du territoire, quand par exemple les Européens ont débarqué en Amérique en s’appropriant ce « Nouveau Monde »… de la même façon que Claudio s’installe dans l’espace déjà occupé par Martha.
Nicolas Jobin, à l’accent méli-mélo très réussi, et Marjorie Audet offrent une performance à la fois physique, un peu clownesque, et pleine de tendresse qui donnent le temps aux enfants de découvrir les liens qui existent entre chaque être humain, malgré la couleur de peau, la culture, les croyances ou la langue.
Dans un monde où la peur de l’autre, considéré comme un envahisseur, un étranger, regagne du terrain, une production comme Courtepointe s’avère essentielle pour rappeler à tous que l’histoire humaine est tissée d’origines et de cultures diverses et qu’elles en font sa grande richesse.
Le spectacle fut présenté le dimanche 5 mai 2019, à la Maison Théâtre