Montréal Complètement Cirque – Bavard Bosch
par Daphné Bathalon
Une supplémentaire a été annoncée le dimanche 14 juillet 20h, salle Pierre-Mercure
On reproche parfois aux productions du collectif de création Les 7 doigts de se montrer trop bavardes, là où les corps en performance et la poésie des numéros de cirque parlent d’eux-mêmes. C’était vrai avec Cuisine et confessions, ce l’est encore davantage avec Bosch Dreams, spectacle d’ouverture du festival Montréal Complètement Cirque.
Les magnifiques tableaux de Jérôme Bosch prennent vie dans cette production créée en 2016 à l’occasion du 500e anniversaire de la mort du peintre néerlandais. Ils se transposent sur scène grâce au travail visuel remarquable d’Ange Potier, qui signe également la conception des masques et costumes. Bosch Dreams oscille entre le surréalisme des toiles de l’artiste, bien en avance sur son temps, ainsi que de ceux qu’il a influencés à travers les époques, comme Jim Morrison et Salvador Dalí, et le didactisme d’une conférence universitaire. Ici la performance circassienne s’efface au profit d’une exploration de l’oeuvre de Bosch.
Finalement présentée à Montréal après une tournée mondiale, la production a les défauts de ses qualités : visuellement formidable, le spectacle nous plonge (parfois littéralement) dans les tableaux de l’artiste de la Renaissance en soufflant sur scène un peu de sa folle imagination, induite ou non par des substances hallucinogènes, mais sans parvenir à nous faire adhérer totalement à la proposition.
Enchâssé dans une conférence donnée par un chercheur passionné, le spectacle peine à trouver son équilibre entre les capsules informatives (très intéressantes au demeurant) sur l’artiste, son oeuvre et son influence sur le mouvement surréaliste, et les performances artistiques. Pourtant, l’imaginaire de Bosch, peuplé de scènes décalées, d’un bestiaire étrange et d’êtres humains transfigurés par leurs plaisirs, leurs cauchemars ou leurs désirs, au choix, offre un paysage riche de possibilités.
Bosch Dreams en donne un bel aperçu lors de quelques tableaux d’une grande beauté, comme ce numéro d’équilibre sur mains dans une bulle fragile. La superposition de projections en fond de scène et sur une toile transparente tendue à l’avant-scène crée un décor féérique de grotte mystérieuse qui magnifie la performance. De même, en deuxième moitié de spectacle, le numéro de trapèze aérien sur la musique de Jim Morrison nous transporte ailleurs l’espace d’un moment.
De manière générale, cette deuxième partie de spectacle trouve davantage son rythme au gré d’un jeu de roulette fantasmagorique. De beau spectacle un peu froid, Bosch Dreams se réchauffe ironiquement en passant du côté des enfers de Bosch, nous offrant un réjouissant et tonique numéro acrobatique. Corde lisse, barre, monocycle, mât chinois : la machine se réveille! C’est ce souffle que l’abondance de scènes d’exposition (parlées ou non) semble affaiblir.
Bosch Dreams n’en demeure pas moins une pièce d’exception, par sa capacité à nous immerger dans les toiles du peintre renaissant. Les quelques numéros de cirque, s’ils se révèlent moins impressionnants que dans de précédentes productions des 7 doigts, s’intègrent parfaitement bien à l’univers éclaté de Bosch. Le voyage n’en est que plus agréable.