Vania et Sonia et Macha et Spike : un feu d’artifice sans nuance
Vania et Sonia et Macha et Spike : un feu d’artifice sans nuance
Pour clore sa saison, et en attendant l’arrivée d’un printemps qui tarde à venir, le Théâtre du Rideau Vert offre la pièce Vania et Sonia et Macha et Spike. Créée en 2012 et lauréate du Prix Tony de la meilleure pièce sur Broadway l’année suivante, l’œuvre du dramaturge étatsunien, Christopher Durang, a été encensée par la critique, et ce, avec raison. Le texte est incisif, épicé et intelligent. Or, la version rideauvertienne de l’œuvre primée ne lève pas. Il manque un ingrédient pour que la mayonnaise prenne et, au final, le résultat déçoit.
L’histoire est plutôt simple, efficace et prometteuse de rebondissements : une sœur et un frère (Sonia et Vania) coulent des jours plutôt malheureux dans la grande maison de leur enfance, nichée au cœur d’une cerisaie (de 10 cerisiers!). Ils ont pris soin de leurs parents – aujourd’hui décédés – et regardent maintenant le temps et le grand héron bleu passer. Ils s’ennuient ferme, se languissent de jours meilleurs. Leur vie fade comme un Seven-Up flat (sic) est ponctuée de chicanes, de remontrances, de reproches, d’engueulades et de regrets. Le vieux couple alangui (comme il se qualifie) hait sa vie. Par un (autre) matin banal à siroter un (autre) café insipide, leur sœur Macha-la-tornade débarque, accompagnée de son bel amant Spike – sorte de douchebag, pseudo-acteur hot, mais illettré – avec l’intention ferme de vendre la maison familiale qu’occupe sa fratrie à ses frais. Madame l’actrice en a marre de payer! Se greffent au trio Cassandre, une femme de ménage déjantée qui a des visions de destruction et de malédiction, et Nina, une jeune voisine frétillante, admiratrice finie de Macha qui rêve de jouer au «théââââââtre». En matière de rebondissements, la promesse est tenue. Sauf qu’on en compte tellement (trop) que l’histoire est diluée. Comme dit le dicton, trop, c’est comme pas assez.
Nul besoin de connaître Tchekhov pour apprécier la pièce. Cependant, on adore les références tchékhoviennes : Vania, Sonia et Macha, nommés par leurs parents en l’honneur de personnages du dramaturge russe ; la cerisaie, même si elle ne compte que 10 ou 12 cerisiers tout au plus ; la lenteur, la langueur, le spleen et le temps qui passe.
Dans un très joli décor (la maison familiale occupe toute la scène, par Pierre-Étienne Locas), le trio se retrouve et renoue avec ses racines. Ignorant les conseils de Cassandre de se concentrer sur les petites choses, notamment les biscuits Graham, la cellule plonge plutôt dans des recoins douloureux : envie, mépris, jalousie, regrets, méfiance face aux changements, rêves déchus, vies sacrifiées et perdues… Retirée dans l’antre aux malheurs, la famille dysfonctionnelle pleure. Saura-t-elle se réconcilier? On est à des années-lumière du long sentier jalonné de belles surprises et de la vie merveilleuse en laquelle croit fermement l’optimiste Nina. C’est Cassandre qui a vu juste ; ses mauvais présages annoncés se réalisent tous les uns après les autres. Le grand héron bleu est pas venu à l’étang à matin, c’est mauvais signe!
Devant tant de malheurs, on devrait s’attendrir. Or, c’est tout le contraire. Les personnages sont si caricaturaux qu’on peine à s’attacher à eux. Chacun charrie tous les clichés possibles : Macha l’actrice snob et méprisante qui perle bien (Sylvie Léonard), Sonia la geignarde toujours à boutte (Nathalie Mallette), Vania le râleur (Roger La Rue), Cassandre la simili-voyante aux paroles prophétiques (Joëlle Paré-Beaulieu), Nina la pétillante ingénue (Rebecca Vachon) et Spike le macho insignifiant (Alex Bergeron). Le jeu est sans nuance, voire vaudevillesque. En revanche, on apprécie la traduction et l’adaptation très réussies de Maryse Warda. Le langage familier et les nombreuses références culturelles font sourire. On aime se reconnaître.
Enfin, c’est à Marc St-Martin, un habitué des planches de cette institution montréalaise (il a notamment fait partie de toutes les éditions de Revue et corrigée, sauf la toute première, en 2005), qu’on a confié pour une première fois le siège de metteur en scène. Malgré une trame prévisible et une finale bonbon, il convient de saluer la belle énergie, la touche de folie et l’absence de temps morts. Le public en quête de divertissement sera servi.
Crédit photo David Ospina
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Du 3 mai au 4 juin 2022
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