Le show du non-exil, ou comment exposer les banalités de sa vie pour en faire une épopée
par Geneviève Germain
MonTheatre couvrira cette année quelques lectures du JAMAIS LU 2015, voici la première critique sur Le show du non-exil.
Au tout début de la lecture de la pièce Le show du non-exil, on nous le dit d’emblée : « Veux-tu bien t’abstenir de la jouer (ta vie)? ». Bien des autobiographies sont mises en scène au théâtre, mais comment faire en sorte qu’elles suscitent l’intérêt, surtout quand les vies mises de l’avant sont plutôt ordinaires? Les coauteurs Annick Lefebvre (J’accuse) et Olivier Sylvestre (La beauté du monde) ont uni leurs plumes pour relever ce défi en rendant compte de leurs épopées respectives les ayant menés de leurs banlieues où ils ont grandi jusqu’à leur exil à l’âge adulte vers Montréal.
Les styles d’écriture des deux jeunes auteurs comportent leur lot de différences : les mots d’Annick Lefebvre sont tranchants et sans détour alors que ceux d’Olivier Sylvestre transpirent la douceur et l’introspection. Pourtant, leurs univers se rejoignent par l’habilité que ces auteurs ont de traduire leurs états d’âme dans une poésie qui leur est propre, à coups de mots imagés, de comparaisons et de questions parfois laissées en suspens.
Dans Le show du non-exil, on découvre les souvenirs doux-amers des enfances des deux protagonistes par une narration bien personnelle. Ils évoquent certains moments-clés, les parcs qu’ils ont fréquentés, leurs écoles, leurs amis, tout en allant jusqu’à avouer leurs remises en question, l’intimidation à laquelle ils ont pu prendre part ou le simple plaisir de détruire qui peut occuper un enfant, comme ça, sans raison.
Pour la lecture, les deux auteurs ont compté sur la collaboration de Pénélope Bourque, Sébastien David, Éric Noël et Julie-Anne Ranger-Beauregard qui livrent chacun une portion un peu à l’écart du reste du texte. Les thèmes de l’identité et surtout de la recherche d’identité, autant sur l’aspect familial, que sociétal ou sexuel, servent souvent de toile de fond au récit. Le tout n’est pas complètement linéaire, bien que l’accumulation de souvenirs marquants culmine jusqu’à la « période non définie » qu’est l’adolescence puis jusqu’aux premières années de l’âge adulte.
Aucun artifice ne permet à leurs existences somme toute banales de s’élever au statut d’épopée, si ce n’est que la justesse des mots et de l’honnêteté des souvenirs marquants retenus qui permettent de s’attacher à leur parcours. Le show du non-exil présente une écriture forte et douce à la fois, qui émeut par moments, qui faire rire, sourire, puis réfléchir. Annick Lefebvre et Olivier Sylvestre réussissent ainsi à traduire l’ordinaire en une histoire qui vaut la peine d’être racontée pour toute la sincérité qui la compose.