Treasure Island : aussi brillant qu’un trésor
par Daphné Bathalon
Le 22 janvier, National Theatre Live et Cineplex présentaient Treasure Island (en rappel le samedi 21 février à 15h). Publié pour la première fois en 1883, le livre de Robert Louis Stevenson continue de séduire tous les publics. Après tout, les pirates d’autrefois n’ont rien perdu de leur charme bourru! En l’absence de vedettes parmi la distribution, la production a attiré moins de gens en salle en ce soir de scène. Bien dommage, car cette très belle adaptation d’un classique de la littérature écossaise vaut vraiment le coup d’oeil. L’adaptation que présente ces jours-ci le National Theatre à Londres revisite avec efficacité cette histoire de chasse au trésor. Certains revirements de situation paraissent par moments précipités, un effet accentué par les nombreuses coupures dans le texte, mais dans l’ensemble, le roman passe bien du papier à la scène. Il faut dire que la metteure en scène Polly Findlay ne lésine pas sur les moyens et les effets pour nous raconter les aventures de Jim Hawkins, jeune fils d’aubergistes.
Alors que l’histoire originale, époque oblige, ne proposait qu’un seul personnage féminin, celui de la mère du jeune héros, l’adaptation signée Bryony Lavery ose jouer avec les genres, transformant quelques-uns des pirates en femmes de caractère, ainsi que le Dr Livesey (malheureusement l’un des personnages qui souffrent le plus des nombreuses coupures dans le roman)… et même le héros de l’histoire, Jim Hawkins! Son interprète, Patsy Ferran, à qui échoit la narration de l’incroyable récit, insuffle une grande vitalité à l’ensemble de la production. Sa Jim est une jeune fille dégourdie, impatiente de quitter l’étriquée auberge familiale pour découvrir le monde. Tantôt naïve, tantôt plongée dans l’action et capable de duper le plus malin des pirates, Jim fait montre d’ingéniosité, et son actrice déploie une énergie contagieuse pendant toute la représentation, de celle qui donne envie de s’embarquer à son tour pour l’aventure.
L’impressionnante scénographie joue également pour beaucoup dans notre soudaine envie de nous faire pirate. Sous un immense ciel étoilé, la scène circulaire du National Theatre se transforme en quatre lieux différents au fil du récit. D’abord modeste structure de bois représentant l’auberge Hawkins, le décor se métamorphose ensuite en pont de navire. C’est quand la structure s’élève pour révéler les différents étages du navire que la magie opère complètement. Pont, quartiers de l’équipage, puis cale : on a droit à une véritable coupe transversale de l’Hispaniola! Trois étages en tout, peuplés par les nombreux acteurs, font battre le coeur des spectateurs un peu plus vite, il faut l’admettre! Le décor se transforme encore par la suite, devenant l’île dangereuse où est enterré le fameux trésor, puis une immense grotte, où le sort de chacun est scellé. Si le cadrage serré des caméras nous fait par moments perdre la vue d’ensemble de cette magnifique scénographie, il nous permet cependant d’apprécier le détail de sa construction. Le NTL offre d’ailleurs après la projection une courte vidéo montrant le démontage du décor en accéléré, réellement impressionnant!
Très professionnelle, cette captation scénique parvient à présenter les mouvements de chaque personnage, sans faire perdre de vue l’action principale. Sous les projecteurs et devant les caméras, l’imposante distribution offre une galerie de personnages hauts en couleur, quoique peu développés, à l’exception de Jim, de Ben Gunn et de Long John Silver. Même le très terne et effacé Gray, que tout le monde passe son temps à oublier, gagne le coeur du public. Mais d’entre tous se démarque Arthur Darvill dans le rôle inquiétant de Long John. Le choix d’un acteur aussi jeune (32 ans) pour incarner ce personnage emblématique de L’île au trésor surprend, et on peut regretter que l’aura de danger émanant du pirate sans foi ni loi en pâtisse un peu, mais Darvill, jambe de bois et perroquet inclus, compose un pirate parfaitement crédible, à la fois rusé, en parfait contrôle et charmeur. Sur son épaule, le perroquet déplumé semble doté d’une vie propre. Marionnette télécommandée, l’oiseau réagit aux actions et paroles des autres personnages, lâchant quelques mots à l’occasion, écartant même les ailes pour « rétablir son équilibre ». Pour les jeunes, ce perroquet relève de la véritable magie. Et les adultes ne sont pas loin d’y croire eux aussi…
La production du National Theatre, à l’affiche à Londres jusqu’en avril et projetée en rappel dans quelques Cineplex de la région de Montréal le 21 février, réjouit nos âmes d’aventurier tout en ramenant à la vie nos rêves d’enfant. Comme le souligne la metteure en scène dans une entrevue présentée lors de la projection, « We need a ship sometimes to take us somewhere else. » Et c’est le grand et beau navire de Treasure Island qui nous emporte. « Yo ho ho et une bouteille de rhum! »