par Daphné Bathalon

MonTheatre couvrira quelques spectacles du festival Petits Bonheurs. Voici les critiques de Le merveilleux voyage de Réal de Montréal et SSST!

Un grand voyage à dos de goéland

Réal de Montréal est un gamin de la ville, un garnement des ruelles qui fait hurler tout le voisinage à cause de ses mauvais coups, la maîtresse d’école à cause de ses réponses insolentes et ses parents, qui ne savent plus quoi faire de lui. Même les animaux n’échappent pas à ce chenapan, un peu Gavroche, un peu Fridolin (il porte d’ailleurs lui aussi les couleurs du Canadien).

Rien ne semble arrêter Réal, jusqu’au jour où il croise la route du lutin Jacob de Repentigny qui, pour lui apprendre une leçon, le fait rétrécir jusqu’à ce qu’il ne soit pas plus haut que trois pommes. Avec Nina, la « goélette », qui deviendra sa première véritable amie, il se retrouve malgré lui embarqué à bord d’un vol d’outardes. Il devra affronter un renard rusé, un chercheur de pierres précieuses et… la faim. « J’ai tellement faim que mon ventre crie famine au pluriel! »

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Photo : Fleuredelyse Dumais

Le merveilleux voyage de Réal de Montréal, une coproduction du Théâtre Bouches décousues et du Théâtre de la Petite Marée, laisse une grande place à l’imaginaire fabuleux de l’enfant : animaux qui parlent, lutin magique, champignons qui goûtent le chocolat, vol à dos de goéland… Librement inspirée du voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, la pièce raconte l’incroyable périple de Réal, de sa ruelle de Montréal jusqu’à la mer, à Bonaventure, en passant par le lac Saint-Pierre, où les outardes se rassemblent par millier, Métabetchouan et Manicouagan.

L’auteure Rébecca Déraspe propose une superbe composition et donne à son personnage central un langage coloré et expressif, marqué d’expressions qui font rire les enfants et de clins d’œil culturels adressés aux adultes. Avec son drôle de bagou, Réal nous raconte ses péripéties, sans en taire les moments moins glorieux, les méchancetés dites, mais aussi les leçons apprises : accepter l’amitié, aider les autres, reconnaître ses torts. Il se laisse ainsi tranquillement apprivoiser sans rien perdre de son énergie ni de sa spontanéité. Réal ne deviendra jamais, on s’en doute, un petit garçon modèle, mais de roitelet de ruelle, il élargit ses horizons et ceux des enfants dans la salle, qu’il emporte dans son grand voyage.

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Photo : Fleuredelyse Dumais

Appuyée par quelques belles trouvailles en théâtre d’ombres, la production repose avant tout sur la performance du comédien Hubert Lemire. Soutenu par Maxime Mailloux et Juliane Desrosiers Lavoie, qui incarnent tous les personnages secondaires, Lemire porte en effet tout le récit sur ses épaules. Le comédien crée une belle relation avec ses jeunes spectateurs en en faisant ses complices tout autant que ses confidents. Son Réal est à la fois espiègle et malicieux, mais aussi terriblement attachant et sensible. Tantôt on voudrait le prendre dans nos bras pour le rassurer quand il avoue se sentir seul ou avoir peur, tantôt on voudrait nous aussi lui servir une leçon, même si on ne peut s’empêcher de rire de ses traits d’esprit ou d’applaudir sa ruse.

À la mise en scène, Jacques Laroche fait de la magie avec deux paravents, une grande toile et des marionnettes de chiffon ou d’ombres. C’est tout ce qu’il faut à la production pour transporter le public aux quatre coins du Québec, en saluant au passage les éléments marquants du paysage de chaque région ou ses monuments culturels, comme La Manic, de George Dor, que Réal revisite évidemment à sa manière.

Si tous les enfants n’ont pas la chance de croiser la route d’un lutin, Le merveilleux voyage de Réal de Montréal leur permet à tous d’embarquer dans une formidable aventure de découvertes et de jeux de langage, où même le plus rusé des renards peut apprendre une bonne leçon.

 

Jouons avec les clowns!

Deux clowns-magiciens, un brin polissons, un brin malhabiles, mais grands complices, nous accueillent dans la salle. Ils nous préparent une grande représentation…

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Photo : Thomas Ernst

SSST!, production de la compagnie allemande florschütz & döhnert, reprend de jolie manière les jeux qui font à coup sûr rire les enfants, multipliant les grimaces, les jeux de cachette derrière les rideaux et les roulements de tambour chaque fois interrompus.

Au milieu d’une petite scène circulaire, délimitée par des rideaux coulissants, les deux clowns, Michael Döhnert et Melanie Florschütz, forment un drôle de duo, vêtus de vêtements dépenaillés, mais dotés de grandes poches qui ne semblent pas avoir de fond. C’est de celles-ci que les clowns tirent toutes sortes d’accessoires de scène, au grand plaisir des enfants. Cordes interminables, échelles, maisonnette, baguettes de tambour, multiples mouchoirs… et même un lapin! Ce petit lapin fait d’un simple mouchoir bondit partout, hors de contrôle, d’une poche à l’autre ou apparaît et disparaît dans le chapeau de magicien. Impossible de le maintenir en place.

Dès lors, les deux clowns abandonnent le spectacle prévu et s’intéressent de près à cet invité surprise. Avec les enfants,  ils découvrent jusqu’à quelle hauteur l’animal de tissu peut sauter. Peut-il sauter plus haut qu’une boîte, qu’une chaise, qu’une échelle, qu’une maison? Plus haut que soi? Il suffit de quelques accessoires aux clowns pour capter totalement l’attention des tout-petits, jusqu’au bébé dans les bras de son papa, qui n’a d’yeux que pour le lapin, bondissant même de concert avec lui.

Tout le charme de SSST! tient dans sa capacité à surprendre les spectateurs en s’aventurant dans de nouvelles directions, comme un rêve qui papillonne. D’une poche qui n’a pas de fond à la petite table qui se fait radeau, d’une échelle qui mène au ciel au long fil de funambule et des accents d’une guitare électrique aux petits mouchoirs qui volent au vent, l’expédition au pays des clowns de SSST! est un petit bonheur en soi.

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