par Marie Pâris

Avec cette pièce, onze élèves du Conservatoire d’art dramatique de Montréal plongent dans la comédie pour nous présenter un collage de Appelez-moi Stéphane et Les voisins, deux comédies absurdes des grandes figures du théâtre québécois Claude Meunier et Louis Saïa. Les étudiants ont été dirigés de main de maître par le metteur en scène Normand Chouinard, autrefois élève du Conservatoire d’art dramatique de Québec et directeur de celui de Montréal de 1995 à 2001.

Rythmée par deux interludes dansés, la pièce est construite autour d’une mise en abîme du théâtre : la première partie nous présente une troupe de théâtre amateur composée de banlieusards manipulés par leur enseignant, Stéphane, un comédien plein d’égo qui flirte allégrement avec les dames. On suit la préparation de leur pièce sous la tutelle du professeur de théâtre caricatural – interprété avec brio par José Dufour, drolatique et grandiloquent.

Après l’entracte, on assiste à une pièce montée par un des groupes amateurs à qui Stéphane enseigne. À l’inverse de la première partie où seulement quelques chaises et une estrade occupent la scène, cette fois-ci le décor est complet et figure l’intérieur d’un pavillon de banlieue des années 70 – cet intérieur de Barbie tout en teintes pastel n’est pas sans rappeler les maisons du film de Tim Burton Edward aux mains d’argent. Les costumes très travaillés nous plongent directement quarante ans en arrière.

Ce cliché de l’émission de télévision poussé à l’excès met en scène trois couples de voisins

qui prennent un verre, entre conversations à bâtons rompus vides de sens et interactions rendant mal à l’aise – on s’attendrait presque à entendre des rires provenant du public à la fin de chaque blague. Les voisins se termine sur le générique de La Petite Vie, un clin d’oeil à la série dont Louis Saïa a d’ailleurs été metteur en scène.

On rit beaucoup tout au long du spectacle, aussi bien des succulentes répliques que des personnages très caricaturés qui illustrent des Québécois de banlieues mal dans leur peau, mal dans leur couple, sans imagination ni culture. Si les textes de Meunier et Saïa datent de 1980, ils résonnent encore avec beaucoup d’actualité et d’écho dans le contexte d’aujourd’hui : les rapports sociaux, l’hypocrisie, le besoin de maintenir une façade en public…

Si le trait est très marqué pour forcer le rire, les jeunes comédiens du Conservatoire se défendent très bien sur les planches dans ce répertoire de comédie, et arrivent à garder un niveau uniforme dans une belle harmonie de jeu. Il se pourrait bien que parmi eux se trouvent les prochains talents du Québec qui feront parler d’eux au théâtre et à l’écran…

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