La 12e édition de Petits Bonheurs, festival qui se dédie aux créations jeune public, s’est ouverte le 5 mai dernier. Daphné Bathalon et Olivier Dumas assisteront à une quinzaine de spectacles  pour notre plus grand plaisir – et le leur!

Par Olivier Dumas

Déjà au début

En soufflant fièrement ses douze bougies, le festival Petits Bonheurs entre, si l’on peut dire, dans l’adolescence. Pourtant, c’étaient les tout-petits qui ont regardé avec intérêt et curiosité une attachante création, Déjà au début, un vendredi matin ensoleillé à la Maison de la culture Maisonneuve.

Conçu pour les gamins de 18 mois à six ans, le spectacle Déjà au début réussit également à interpeller les grandes personnes. Sans véritable parole, l’attention est portée sur l’éveil des sensations. Avant de s’installer dans l’aire de jeu en forme de demi-cercle, le public se promène à l’arrière-scène. Là, une installation de sculptures de carton et de mini haut-parleurs se déploie.  Elle donne l’impression de se retrouver dans un petit sentier accueillant qui n’aurait causé aucune frousse au petit chaperon rouge. Les lumières s’éteignent, et l’unique personnage féminin surgit du décor imaginé par Cassandre Chatonnier. Vêtue d’une ample tenue blanche et coiffée d’un bandeau doré, la comédienne se promène d’abord à quatre pattes comme un félin et déroule un tapis. Entourée d’une structure composée de cylindres de carton de différentes tailles, elle découvre devant nous son nouvel environnement qu’elle apprend peu à peu à apprivoiser. Des bruits se font entendre, dont un battement de cœur. Par la suite, l’aventurière tend l’oreille pour découvrir la provenance des sons. De l’un des tubes, elle sort un drap blanc et l’installe comme une toile, sur laquelle seront projetées des images.

Déjà au départ, crédit photo Michel Pinault
Déjà au départ, crédit photo Michel Pinault

La mise en scène de Jean-François Guilbault confère à l’ensemble un intérêt certain qui ne diminue pas jusqu’au dénouement. Sans difficulté, elle rejoint son auditoire de prédilection qui suit le parcours initiatique avec une attention soutenue. La progression dramatique de cette expérience avec le monde ambiant comprend d’agréables transitions. Les surprises surgissent, notamment au moment où la comédienne reproduit les gestes d’une joueuse de xylophone, sans que nous voyions la trace visible d’un instrument sur la scène. Alors qu’elle dépose, vers la fin de son périple, des structures circulaires qui ressemblent à des pastilles géantes sur les tubes du décor, des jeux de lumière apparaissent tout à coup, comme par enchantement. L’effet visuel, très réussi avec ses effusions de couleurs variées qui semblent jaillir de volcans, suscite des réactions émerveillées. Par ailleurs, l’interprétation grandement dynamique de Liliane Boucher, qui s’était illustrée précédemment dans le percutant Soledad au hasard de Julie Vincent, apporte beaucoup de joie, de candeur et de sourires à Déjà au début. Soutenue par une musique tout en douceur, l’œuvre augure la  programmation montréalaise du festival sur une belle note qui laisse espérer d’autres aussi étonnantes rencontres artistiques.

Babioles

Malgré une température des plus agréables samedi matin, le public ne rouspétait aucunement de se retrouver à l’intérieur, cette fois-ci pour assister au baptême scénique de Babioles. À la Bibliothèque Langelier, cette nouvelle création constitue également les premiers pas de la compagnie Cabane Théâtre, fondée par Anne-Sophie Tougas.

Dans la continuité du spectacle de petite forme Déjà au début, l’univers de Babioles explore l’éveil des sens et de l’importance de l’imaginaire des tout-petits, entre 18 mois et 4 ans. Il tente, avec délicatesse et soin, d’ouvrir des fenêtres sur la découverte de soi et de l’espace qui nous entoure. Portant trois chapeaux à la fois, Tougas, performe, écrit et dirige cette poésie initiatique, d’une durée de 40 minutes.

Babioles, crédit photo Anaïs Faubert
Babioles, crédit photo Anaïs Faubert

La scénographie conçue par Harmonie Garry dévoile un microcosme douillet enveloppé de rideaux transparents. Elle ressemble à un cocon. Les spectatrices et spectateurs sont répartis en deux sections l’une face à l’autre. Sur deux côtés, nous voyons de longues branches dans des contenants de jardinage. Tout en haut de l’aire de jeu, se trouvent deux nuages blancs. À l’intérieur d’eux, une lumière s’allume et s’éteint. Habillée comme une petite fille débrouillarde, l’interprète, seule créature vivante sur le plateau, peut compter toutefois sur l’aide d’accessoires appropriés et d’une trame sonore de Kläpp. Matière souvent primordiale dans les productions pour le jeune public, la musique se décline dans Babioles sous diverses couleurs. Évoquant par moment la mélancolie du compositeur Érik Satie, elle se permet également des notes plus percussives, comme un écho aux mille et une aventures appréhendées pour la gamine. Celle-ci fait la connaissance d’un petit garçon, représenté sous les traits d’une marionnette. Ensemble, le tandem profite de l’existence et se détend même en pratiquant la pêche, avec chacun leur canne (une grande pour et une miniature pour lui). Un peu plus tard, l’actrice fredonne une chanson aux paroles cocasses.

Une légère nervosité, compréhensible lorsque l’on brise la glace avec devant soi quelques chérubins agités (certains ont même pleuré avec force), demeurait perceptible dans la salle. Pourtant Anne-Sophie Tougas parvient souvent à communiquer sa ferveur au «public-enfant», à qui elle espère transmettre des idéaux de beauté. Sans élever la voix, elle dévoile plein d’émotions à son auditoire réceptif. Parmi les plus beaux instants de cette histoire sensorielle, mentionnons celui de la fraternisation entre le personnage principal et son ami. Les deux jambes de bois du chérubin se transforment même en tiges de fil. Sans faire de bruit, mais à l’enrobage sensible comme un murmure, la pièce Babioles nous laisse espérer d’autres réalisations aussi délicates qu’à l’écoute des autres pour Cabane Théâtre.

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