(CRITIQUE) Come from away : un spectacle qui fait du bien

par Daphné Bathalon

Un petit bout de l’histoire de Terre-Neuve s’installe jusqu’au 1er décembre à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Un petit bout d’histoire qui montre que même dans les moments les plus sombres et angoissants, on peut trouver de la bonté, du beau, du chaleureux. La comédie musicale canado-américaine Come from away nous replonge dans les événements du mardi 11 septembre 2001, mais loin, très loin de Ground Zero.

Crédit Matthew Murphy

À Gander, sur l’île de Terre-Neuve (« On the northeast top of North America, on the edge of the Atlantic »), dans un paysage rude qui, du haut des airs, apparaît comme une tache sombre, se trouve pourtant ce qui a autrefois été le plus important aéroport du continent. Les gros avions n’ayant plus désormais besoin de s’y arrêter pour faire le plein, il est maintenant presque oublié du monde. Neuf cents personnes habitent Gander et, ce matin de septembre, comme pour beaucoup de gens, leur existence et leur perception du monde vont changer.

11 septembre 2001, 9h45, la Federal Aviation Administration ordonne à tous les avions commerciaux d’atterrir immédiatement à l’aéroport le plus proche. L’espace américain est fermé, plus aucun avion ne peut y entrer. Ce jour-là, 38 avions transportant près de 7 000 passagers venant de partout dans le monde atterriront à Gander. La communauté terre-neuvienne les accueillera avec les moyens du bord et un grand coeur.

Chaleureuse, entraînante, parfois angoissante, souvent très drôle, Come from away est une production feel good qui fait le plein de spectateurs partout où elle passe, que ce soit à Toronto, à New York ou à Melbourne, et on peut aisément comprendre pourquoi!

Dans une magnifique scénographie rappelant la forêt canadienne, la production dirigée par Christopher Ashley mise sur la force du nombre. Come from away utilise les choeurs pour mettre en lumière les histoires individuelles, celles de Diane et de Nick, qui trouveront l’amour en ce moment improbable, de Kevin et Kevin, qui en apprendront beaucoup sur eux-mêmes, de Bonnie, déterminée à libérer les animaux prisonniers des soutes d’avion, mais aussi de Beulah, de Berverley, de Bob, d’Oz… Ces petites histoires dans la grande histoire interpellent évidemment beaucoup. Il est d’ailleurs plaisant de voir une distribution aussi variée sur scène, tant en âge qu’en physique et origine.

Crédit Matthew Murphy

Les multiples choeurs (les habitants de Gander, les passagers, les clients du pub…) et la musique aux accents folkloriques, menée violon, accordéon et tambour battant par neuf musiciens sur scène, font résonner haut et fort le sentiment de communauté. Ils en appellent à notre volonté de tirer le meilleur parti de toute situation et d’aider qui en a besoin. Difficile de résister à l’envie de battre la mesure ou de se joindre aux choeurs.

Le livret et les chansons signés par Irene Sankoff et Davind Hein donnent un bel aperçu de ce que devait être l’angoisse des passagers, coincés à bord des avions sur le tarmac pendant des heures, sans véritable moyen de savoir ce qui se passait; rappelons qu’en 2001, très peu de gens avaient des cellulaires… Ils parlent aussi de l’angoisse tandis que l’on conduit les réfugiés en autobus dans la noirceur de ce coin reculé du monde. Puis, celle de demeurer là, loin de chez eux et des leurs, pendant près de six jours. Les chansons parlent aussi de l’inquiétude des gens de Gander, dépassés à l’idée d’accueillir plus du double de leur population, en étrangers dont certains ne comprennent même pas l’anglais. La production alterne entre ces moments de peur, de colère et d’impuissance (« I need something to do ’cause I can’t watch the news anymore. ») et moments lumineux, comme cette scène au pub de la ville ou cet échange tout doux entre deux mères, dont l’une est sans nouvelles de son fils, pompier à New York… Si le spectacle chatouille avec un peu moins de subtilité des sujets comme le racisme, le sexisme et l’homophobie, la pilule passe bien grâce à l’humour du récit.

Come from away nous touche particulièrement, car on partage tous un souvenir de cette journée terrible où, en ce début de millénaire tout neuf, on a perdu une certaine insouciance. Le spectacle parvient à en tirer une histoire émouvante, multiple, qui met un peu de baume sur cette plaie, encore vive pour beaucoup de personnes.

Come from away, Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, du 28 novembre au 1er décembre 2019

Crédit Matthew Murphy
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