FIAMS 2021 – S’apprivoiser au troisième jour

En cette troisième journée du festival, il faut l’avouer, j’ai un peu fait l’école buissonnière, question d’avoir le temps d’écrire sur les spectacles vus la veille. C’est qu’on en voit, en une seule journée ; à la fin du circuit, j’ai la tête qui dodeline. Il s’en est fallu de peu, d’ailleurs, qu’en fermant les yeux en après-midi, je dorme jusqu’au lendemain : pas facile la vie de festivalière! Ce jeudi fut malgré tout bien rempli. Dès le matin, j’ai eu le temps de m’envoler avec la nouvelle proposition du Théâtre à l’Envers, puis de visiter une exposition où le minuscule s’évadait dans des décors familiers. En soirée, j’ai observé la quête identitaire d’une statue puis assisté à une courte forme presque charnelle.

La petite fille aux oiseaux : un endroit pour rêver

Une petite fille à l’oreille attentive et à l’esprit créatif vibre au rythme de la musique qui l’entoure au quotidien. Celle-ci vit en toutes choses : dans la craie glissant sur le tableau de l’école, entre les lignes de ses cahiers de devoir, dans l’eau qui s’écoule dans la douche, dans le vent soufflant dans les herbes et le crapaud bondissant dans la mare… mais l’enfant doit se concentrer et faire taire les oiseaux qui chantent en elle, vigoureux et rêvant d’évasion. Elle doit s’accorder aux règles des adultes!

Présentée au première mondiale au FIAMS, La petite fille aux oiseaux, une création du Théâtre à l’Envers, offre une très belle initiation au monde de la musique et du théâtre d’ombre.

Réalisée à vue sur scène, la manipulation des marionnettes et des décors d’ombres attise la curiosité, le regard retourne souvent vers la table où la magie se passe, mais la finesse et l’habileté des deux marionnettistes, Julia Derbour et Patricia Bergeron, ramènent toujours notre attention vers l’histoire. Le conte, narré et mis en musique en direct par Oriane Smith, nous emporte dans un tourbillon de plumes et de notes de plus en plus mélodieuses au fur et à mesure que la fillette apprivoise ses oiseaux, sa musique. « La vie, c’est comme un grand orchestre, il faut être accordé », nous confie l’enfant avant que la portée s’échappe de son cahier d’école pour devenir fils où se posent des oiseaux.

Crédit photo Michel Pinault

La production se déploie comme un court métrage d’animation ; chaque tableau varie les prises de vue, les angles, les gros plans, les superpositions, créant un fil narratif incroyablement fluide. La technique surprend à plus d’une reprise par son ingéniosité. Les scènes se fondent l’une dans l’autre avec un grand naturel, accompagnées par la musique, qui s’affirme et se rythme alors que l’enfant apprend à écouter ses oiseaux. La fillette échappe même à l’écran, prenant forme en chair et en os sur scène, coiffée d’une tête surdimensionnée. Son ombre sur l’écran prend vie à échelle humaine.

La petite fille aux oiseaux libère la musique en nous, accordant le droit à tout un chacun de rêver et de vibrer au rythme qui est le sien. Par moments trop bavard, le spectacle gagnerait cependant à laisser sa musique et ses images parler d’elles-mêmes. La narration visuelle et musicale est suffisamment forte pour toucher droit au coeur.

Exposition : Avant l’après

Pendant l’interminable confinement du printemps 2020, l’artiste française Gentiane Guillot a tourné son regard vers l’intérieur de sa maison. En déplaçant de petites figurines dans ce décor familier, elle a alors recréé de drôles de scènes du quotidien. Elles se reposent, piquent-niquent, lisent, se promènent, plongent dans les vagues… Ce quotidien minuscule devient ludique dans l’oeil de l’appareil photo, qui transforme les détails des objets en décor pour les petits personnages. Avec eux, le visiteur se fait explorateur, devient un évadé du confinement qui voyage par l’imaginaire. Le concept n’est pas neuf, mais il est toujours aussi redoutablement efficace, et Guillot a l’oeil pour les couleurs et les textures!

Crédit Daphné Bathalon

Statue : Dépasser les stéréotypes, vraiment?

Crédit Céline Chevrier

Placé sur un socle de pierre dans ce qui pourrait être un musée, le buste d’une statue au visage androgyne, mais aux formes féminines, s’anime tranquillement. Alors qu’elle prend graduellement conscience de sa nature et de ses intérêts, elle se fait imposer une manière d’être qui l’étouffe et contre laquelle elle doit lutter pied à pied pour demeurer cet identité propre qu’elle découvre à peine.

Usant principalement d’une technique de prothèse qui permet de prêter son corps à la marionnette, les marionnettistes de la relève Céline Chevrier et Kristina Troske meuvent avec brio leur créature, au point de parfois disparaître complètement derrière elle. Le visage inexpressif de la marionnette limite toutefois sa palette émotive, créant un certain flottement que l’habileté des artistes ne parvient pas tout à fait à compenser, sans compter le handicap d’un bras marionnettique sous utilisé.

Fable sans paroles, la courte forme STATUE se penche sur la thématique de l’identité de genre, souvent mal comprise du grand public, et dans une certaine mesure, elle tente de transmettre le poids ressenti par les personnes vivant avec une dysphorie de genre. C’est là où le bât blesse dans cette production qui tombe très précisément dans le travers qu’elle semble vouloir dénoncer. Pour symboliser l’écartèlement entre ce que la statue ressent et ce que la société lui impose, les artistes ont opté pour une symbolisation facile : d’un côté les talons hauts, de l’autre les bottes de construction, d’un côté la posture gracieuse, de l’autre la démarche affirmée, confortable… Le message est peut-être clair, mais il manque pour l’instant cruellement de nuance.

Petites formes dévoilées : le grand mystère de la fécondation

Charmante quoique coquine courte forme, la production du Théâtre Cri donne la parole à des enfants afin qu’ils nous expliquent comment on fait des bébés. Au milieu de leurs rires de gêne, des grands mots qu’ils n’osent pas prononcer et de leurs candides aveux d’ignorance, Guylaine Rivard se la joue Mon fantôme d’amour en façonnant dans la glaise un personnage d’abord ni homme ni femme et qui développe peu à peu des désirs des plus naturels. Une marionnette de glaise? Pourquoi pas! Elle est après tout l’une des matières premières avec lesquelles nos ancêtres ont façonné des créations à leur image…

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