Entre dumplings et musique : un réalisme qui rend nostalgique

Entre dumplings et musique : un réalisme qui rend nostalgique

Présentée pour la première fois sur scène à la Licorne en 2017, la création de Mathieu Quesnel et Nathalie Doummar L’amour est un dumpling revient en format « Vidéo Sur Demande » (VSD) sous la réalisation de Stéphane Laporte avec un épilogue en prime. Pour les besoins de la captation, la scène du Théâtre Duceppe est transformée en salle à manger d’un restaurant asiatique où de vrais dumplings sont servis par une énigmatique propriétaire. Toujours secrètement amoureux l’un de l’autre, Claudia et Marc s’y retrouvent, le temps d’un repas, après des années sans s’être parlé. À travers leur échange où l’humour et le drame s’entrecroisent tout en étant entrecoupés de moments musicaux, ils se rappellent leur insouciante jeunesse, leurs rêves abandonnés et évoquent leur désir de fuir leur vie désormais remplie de responsabilités.

Dans un décor signé Odile Gamache qui a tout pour faire croire à un véritable restaurant du Chinatown, Nathalie Doummar, incarnant une Claudia assez fébrile, fait son entrée sous la musique de Nicolas Basque qui a accompagné tout le générique d’ouverture. Jusqu’ici, il y a de quoi se croire au cinéma, les investissements de Duceppe en multimédia se voient à l’écran. Interprétant la sympathique hôtesse de l’endroit, Zhimei Zhang s’introduit à sa cliente et repart en douceur. À l’opposé, un Simon Lacroix dans la peau de Marc visiblement nerveux de revoir Claudia arrive et instaure un rythme de dialogue assez rapide que les deux comédiens soutiennent sans broncher, ce qui ne manque pas de surprendre et de faire rire. La complicité que le duo partage est évidente et amusante à observer. Il faut dire que le texte de Doummar et Quesnel semble vraiment avoir été écrit dans le but que le spectateur se reconnaisse à travers les personnages principaux qui aimeraient être en mesure de pouvoir échanger leur vie actuelle pour quelque chose d’un peu plus « glamour ». En opposition à cette discussion des plus ordinaires, une part intéressante de mystère se dégage de l’interprétation posée de Zhang. La comédienne sait définitivement comment incarner la sagesse d’une vieille dame qui, par son vécu et son humanité, inspire le respect et l’écoute. Grâce à ses interventions toujours à propos et effectuées dans une lenteur qui contraste complètement avec le rythme imposé par les deux autres, ce personnage est tout aussi intrigant que charmant.

En accord avec le réalisme de l’espace scénique et du récit dramatique, les costumes de Sylvain Genois correspondent aux personnages proposés par les interprètes en toute simplicité. Devant une représentation aussi fidèle de la réalité, il est clair que les performances musicales intégrées à la pièce se présentent comme des instants oniriques en marge d’une réalité sans extravagance. Grâce au travail de Renaud Pettigrew à la conception d’éclairage, il est possible de croire que ces moments se déroulent dans un tout autre univers tandis que la scène passe d’un éclairage relativement conventionnel à un éclairage aux couleurs variées, à l’image d’un concert. Se présentant comme des souvenirs du passé embellis par la perception de Marc et Claudia, ces scènes s’avèrent parmi les plus cinématographiques de la représentation et sont une belle façon d’amener le public à ressentir de l’empathie à l’égard des deux personnages clairement nostalgiques. Sans être digne des plus grandes performances musicales, ce que Lacroix et Doummar donnent à voir en spectacle mérite d’être souligné alors que leurs petites prestations en duo sont agréables à entendre.

Dans l’ensemble, il est évident que la captation vidéo donne l’impression que cette création est davantage un long-métrage qu’une pièce de théâtre surtout avec la présence de séquences captées en voiture à l’extérieur du Théâtre Duceppe et les efforts déployés pour faire croire au réalisme de l’action présentée dans les moindres détails. Le dynamisme de la mise en scène de Mathieu Quesnel permet d’apprécier diverses variations de rythme au cours de la représentation. Cela met en lumière le talent d’une distribution qui sait s’écouter et conserve une intensité de jeu légèrement plus théâtrale. La pièce L’amour est un dumpling reste une œuvre qui se prête bien à l’utilisation des caméras alors que son esthétique s’en trouve améliorée et que la possibilité de voir la pièce sous plusieurs angles différents donne l’occasion de découvrir ou redécouvrir le spectacle une séquence à la fois.

La vidéo est disponible sur le site de Duceppe jusqu’au 30 mars 2022 au https://duceppe.com/lamour-est-un-dumpling/

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