Au sommet de la montagne : là où histoire et fiction se croisent
Au sommet de la montagne : là où histoire et fiction se croisent
Marquant la réouverture du Théâtre Duceppe après sa fermeture en décembre dernier, Au sommet de la montagne, première version québécoise jamais présentée de la pièce originale The Montaintop écrite par la dramaturge américaine Katori Hall et traduite de l’anglais en québécois par Edith Kabuya, se veut une fiction relatant les dernières heures de la vie de Martin Luther King. Porté à la scène par Didier Lucien, incarnant le célèbre personnage historique, et Sharon James, la mystérieuse femme de chambre qui lui sert de compagnie, le spectacle mis en scène par Catherine Vidal prend place dans la chambre d’hôtel 306, la nuit du 3 avril 1968, à Memphis, où le pasteur King s’affaire à préparer son prochain discours qu’il ne pourra malheureusement jamais livrer.
Par des projections de courtes phrases à même le pourtour de l’espace scénique, le public est mis en contexte juste avant l’entrée d’un Didier Lucien qui, grâce au travail de Justine Denoncourt-Bélanger, responsable des maquillages et coiffure, est méconnaissable. Empreint d’une énergie qui ne le quitte jamais, le comédien se montre particulièrement convaincant sous les traits du leader qu’il incarne. Cela dit, c’est l’humanité de l’homme derrière le grand orateur connu qui permet à son interprète de gagner le cœur des spectateurs. Tout à fait conscient que le pasteur Martin Luther King était, avant tout, un homme marié et père de famille avec des qualités comme des défauts, Lucien donne à voir une sensibilité qui inspire l’empathie au fur et à mesure que l’histoire progresse et que son destin funeste approche. S’il faut admettre que le récit comme tel n’est pas ce qu’il y a de plus intrigant ou de plus accrocheur pour un spectateur moins au fait des événements historiques dont il fait mention, force est de constater que l’ajout de Camae, personnage purement fictif, apporte une belle vivacité à l’action présentée. Tout simplement pétillante et attachante, Sharon James dépeint cette femme visionnaire et dégourdie avec un aplomb sans faille. Son intensité autant que son dynamisme méritent d’être soulignés alors qu’elle ne manque pas d’alléger l’ambiance par la comédie et de fournir à son partenaire de jeu une énergie qui donne droit à des moments de grande complicité.
Supporté par la musique de Francis Rossignol qui varie en rythme, le duo de comédiens offre une performance nuancée qui permet au rire de s’inviter dans la foule malgré la tournure dramatique des événements racontés. D’une manière assez subtile jusqu’à la conclusion de la pièce où, dans les dernières minutes, le public est aveuglé par une lumière et un effet de fumée qui rend le tout plus onirique, la conception d’éclairages de Martin Labrecque suggère une alternance entre une ambiance plus intime, proposant un éclairage tamisé inspirant la confession, et une ambiance plus propre aux discours publics où la scène est éclairée de manière plus franche. Ce choix conceptuel rend justice à la prestance que donne Lucien à son personnage alors qu’il lui permet d’avoir légitimité nécessaire pour inciter les spectateurs à lui répondre «Amen» lorsqu’il leur en fait la demande durant la représentation. La simplicité et le réalisme du décor imaginé par Geneviève Lizotte agrémenté du travail de Carol-Anne Bourgon Sicard aux accessoires mettent en évidence le souci de vouloir faire croire au public qu’il est témoin d’une histoire vraisemblable, malgré l’ajout d’un personnage de fiction. Les costumes, imaginés par Ange Blédja et son assistante Joanna Gourdin, vont dans le même sens, donnant aux interprètes la pleine possibilité de rayonner grâce à leur talent, le tout au service de la mise en scène dynamique proposée par Vidal.
Sans être un divertissement léger qui n’inspire qu’à rire, Au sommet de la montagne a de quoi plaire aux spectateurs qui souhaitent voir un audacieux mélange de fiction et de faits historiques empreint d’un peu d’humour et de beaucoup d’humanité. S’il semble nécessaire d’en savoir un peu plus sur le contexte dans lequel prend place l’histoire que ce qui est montré lors du spectacle pour pouvoir apprécier le texte à sa juste valeur, la chimie des deux comédiens en présence demeure une force de la représentation qui vaut la peine d’être vue. Quant au travail de l’équipe de conception, il importe de soulever les efforts déployés pour donner à voir une esthétique des plus réalistes qui ne fait que donner l’impression que les événements présentés sur scène se sont réellement produits. Faisant écho aux tensions politiques que présente l’actualité des derniers jours, voici ce qui constitue un bel hommage à Martin Luther King qui prônait une mobilisation populaire sans violence.
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Calendrier
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Du 23 février au 26 mars 2022
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