Festival ROYALMANIA – Agamemnon In The Ring: un direct au plexus
Festival ROYALMANIA – Agamemnon In The Ring: un direct au plexus
Quiconque a eu cette idée folle d’un festival de lutte-théâtre aux Écuries mérite un hot-dog steamé all-dressed, car le mariage de ces deux disciplines millénaires en est un des plus heureux et fructueux. Après avoir vu Agamemnon In The Ring et Dick the Turd, impossible de ne pas se prendre à imaginer les combats que d’autres classiques du théâtre deviendraient dans l’arène : la vengeance d’Électre, la ligue des Belles-Soeurs, le trust d’Arturo Ui, qui sait… la charge de l’orignal épormyable? Il y a tant de possibilités! Et mention spéciale aux artistes Simon Bernt et Aurélien Saly, qui ont respectivement créé les très belles affiches d’Agamemnon In The Ring et de Dick the Turd. Théâtre et lutte? Les sceptiques seront confondus!
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À Mycènes, le grand Agamemnon, champion des Grecs, s’apprête à tirer sa révérence, salué et célébré tant par ses proches que par les foules qui l’adorent, quand trois guerriers étrangers viennent dérober à son frère Ménélas son bien le plus précieux. Poussé par Ménélas, Agamemnon, contre l’avis même des dieux, prend la tête des héros de Mycènes pour aller aplatir Troie… Rivières?
Avec leur production Agamemnon In The Ring, Les Créations Unuknu signent un spectacle épique à haute teneur humoristique qui mélange l’universel et le local. Dans l’Arène, la plus grande salle des Écuries, le mythe sanglant des Atréides, famille maudite par les dieux, se colore des règles, conventions et lexique de la lutte ; une transition qui paraît d’autant plus naturelle que lutte et tragédie grecque se rejoignent sur plusieurs points, dont les grands jeux de pouvoir et l’éternel combat entre les héros faillibles et les vilains complexes, entre sa conscience et ses désirs. L’histoire d’Agamemnon a tous les éléments et rebondissements pour donner lieu à un beau championnat!
Le génie des Écuries de lancer sa saison avec un festival de lutte-théâtre trouve tout son sel dans ce spectacle jouissif et cathartique qui dose adroitement le ridicule des travers humains, les drames et les combats (peut-être les séquences les moins convaincantes du spectacle malgré quelques prises surprenantes). Il éveille les passions, car une fois la foule décoincée, elle se soulève aussi en soutien à son champion! Les codes de la lutte servent de parfait soutien à l’histoire.
D’abord mené par un coryphée transformé en maître de cérémonie et commenté par un choeur devenu panel de commentateurs, le spectacle s’appuie surtout sur la performance des champions : vieillissants, glorieux, aspirants.. . ou vils, ceux qu’on aime haïr et huer. La distribution importante (ils sont 14 sur scène!) déborde d’une énergie contagieuse et livre avec aplomb, sans trébucher, un texte en alexandrins qui joue malicieusement sur les niveaux de langue, entre langage châtié de la tragédie, franglais et lexique bien québécois. Au texte et à la mise en scène (qu’il cosigne avec Sofia Blondin), Hilaire St-Laurent fait un travail formidable. Son adaptation parvient à faire rire sans rien enlever aux drames et aux tourments vécus par les personnages.
Le plaisir de cette « guerre de Troie contre Trois » est d’ailleurs de faire du public le complice des multiples jeux de langage et références au mythe original : de la belle Hélène transformée en ceinture de la Légion Nationale (LN… bien vu) au cheval de Troie qu’on vous laisse la joie de découvrir en passant par les talons d’Achille et l’omniprésence divine des dieux, ici gérants tout puissants de la Ligue antique. Même Séraphin Poudrier, Nelligan, Rémi sans famille et le beau risque trouvent le moyen de se glisser dans l’histoire entre deux imprécations contre Zeus.
La production fait en plus cadeau de nombreuses chansons accrocheuses, entonnées en choeur par des interprètes qui n’ont pas une seconde pour souffler dans ce marathon de près de deux heures. Tout en éclairant les motivations des personnages et la direction de l’histoire, les compositions de Frédérick Tremblay (Achille en personne) font basculer le spectacle du côté de l’opéra rock, et ça devient soudain aussi hilarant qu’absurde.
Agamemnon In The Ring est un joyeux foutoir. C’est un festin copieux pour les amateurs de lutte ou de théâtre qui mêle les registres de langue, les styles, le tragique et le comique. On en sort gorgé d’énergie, de rire et d’un appétit féroce pour un nouveau combat de titans, un match revanche (les candidats ne manquent pas!) débordant de rebondissements, de trahisons et d’honneurs bafoués. Le spectacle frappe direct au plexus, et on en redemande!
Crédit photo : Arch’Pictures
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Calendrier
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Du 13 au 24 septembre 2022
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