Les danseurs étoiles parasitent ton ciel : Ça prend un village…
Les danseurs étoiles parasitent ton ciel : Ça prend un village…
Comme la musique d’un cours de danse sociale résonnant dans les rues d’un quartier populaire un soir d’été, le récit des Danseurs étoiles parasitent ton ciel marque le tempo d’une valse à laquelle on prend tous part un jour ou l’autre, entre ambitions et désenchantements, rêves et réalité du quotidien.
Adaptation à la scène du roman de Jolène Ruest par l’autrice elle-même et les Créations Ad Vitam, la pièce suit les difficultés et les défis vécus par Prunelle à sa sortie de l’école. Jeune diplômée en danse classique habitée par le rêve de briller sur les planches, elle se retrouve vite coincée entre les punaises de lit qui envahissent son appartement et la nécessité de travailler pour vivre.
Il fait bon voir entre les murs du théâtre Denise-Pelleter une production qui met en valeur le quartier qui l’accueille depuis sa fondation. La plume de Ruest et de son acolyte à l’adaptation, Jonathan Caron, fait apparaître par petites touches, d’abord les revers et moments de découragement de Prunelle, puis peu à peu tout le paysage dans lequel elle évolue, du meuble bancal qui lui sert de support pour se pratiquer au ballet au Dairy Queen du coin où elle se fait embaucher malgré un CV dégarni. On fait également la connaissance de la faune hétéroclite habitant ce secteur d’Hochelaga, où les bords de trottoirs voient aboutir les moins favorisés et au-dessus duquel brillent de rares étoiles.
En quelques fragments de vie tirés du quotidien de Prunelle, la production parvient à faire surgir toute la solidarité soutenant cette communauté qui accueille la jeune danseuse sans poser de questions et qui l’aide à se libérer des exigences de perfection et de réussite qu’elle s’est imposée.
Le public de la salle Fred-Barry offre lui-même un écrin à Prunelle, encadrant la scène de deux côtés et créant un espace de jeu rectangulaire que la mise en scène, quelques éléments de décor et les beaux éclairages de Nancy Bussière transforment en plusieurs lieux différents au gré du récit. Les co-metteurs en scène Jonathan Caron et Martine Pype-Rondeau tirent le meilleur parti de cette configuration, bien que celle-ci, jumelée à une musique parfois forte, fasse malheureusement perdre quelques répliques en cours de représentation, selon le côté où se tournent les interprètes. La mise en scène donne par ailleurs corps à un récit au rythme fluide, malgré son aspect fragmentaire. La succession rapide de plusieurs brefs moments de la vie de Prunelle et de quelques passages plus éclatés avec notamment les apparitions d’une ballerine, incarnation plus que parfaite du rêve de Prunelle aurait pu paraître décousu; le résultat donne au contraire l’impression d’une histoire fascinante dont on tournerait les pages très rapidement.
En déplacement quasi constant d’une extrémité à l’autre de l’espace de jeu, les interprètes semblent participer à un ballet. Portée par l’excellente Andréanne Daigle dans le rôle de Prunelle, et par l’optimisme du personnage de Javel l’exterminateur, incarné avec humour, amour et énergie par Maxime Lepage, la production touche à une foule de sujets propres au quartier Hochelaga et à bien d’autres quartiers populaires, comme la gentrification, la pauvreté et l’exclusion sociale, mais sans vraiment s’y attarder. Ces enjeux servent plutôt de toile de fond aux questionnements existentiels de Prunelle et à son cheminement personnel.
Les danseurs étoiles parasitent ton ciel célèbre l’humain dans toute sa résilience et la force de la communauté, véritable village au coeur de grandes villes. Aux côtés de Prunelle, et grâce à une production qui prend le temps de nous mettre dans la peau de son personnage principal sans pour autant oublier de lui créer une constellation de personnages colorés, la pièce ouvre une fenêtre sur la réalité de bien des jeunes, anxieux de faire leur place dans la société sans sacrifier pour autant leurs ambitions. Parfois, ça prend tout un village pour y parvenir…
Les danseurs étoiles parasitent ton ciel présenté à Fred-Barry du 14 février au 4 mars 2023
Crédit photo Camille Gladu-Drouin