Casteliers – The King Stinks : Il y a quelque chose de pourri…
Casteliers – The King Stinks : Il y a quelque chose de pourri…
C’est jour d’entrée au pouvoir du nouveau président, Victor Dowager. Parmi son entourage et dans les rues, on l’acclame : un nouveau dirigeant pour une nouvelle ère rafraîchissante où les Huns et les Greatlands, voisins ennemis, vivront enfin en harmonie. Seul problème… sitôt en fonction, le président se met à dégager une odeur pestilentielle qui a tôt fait d’empoisonner l’air et de semer la mort sur son passage.
Fable satirique sur le système politique et l’usure du pouvoir, The King Stinks, de Surreal SoReal Theatre tranche dans le vif du sujet avec une remarquable précision et un humour grinçant que la marionnette rend encore plus délicieux. Présenté en anglais à l’occasion du Festival de Casteliers, mais créé en 2021 au Festival Phénomena, le spectacle n’a pas pris une ride : les effluves du pouvoir sont toujours aussi fétides.
L’optimisme initial, porté par un vent de changement, fait tranquillement place à une situation où tout le monde tente de maintenir les apparences jusqu’à ce que la puanteur ne puisse plus être ignorée. Un revirement qui s’opère entre autres visuellement grâce à des marionnettes aussi drôles que grotesques. Tête cubique à la moustache en balai-brosse, figurine de héros, combinaison de protection et sac à main : la variété d’objets recèle en soi beaucoup d’humour.
Menée à un train d’enfer par John Lachlan Stewart (qui signe aussi le texte) et Clara Prévost, la production décape avec une critique sévère d’un système politique démocratique en pleine dérive, mais qu’on n’ose pas remettre en question. Quand le fondement même du pouvoir ne soutient plus le poids du système, en changer la tête peut-il vraiment résoudre d’un coup tous les problèmes?
Malgré une multitude de personnages et de scènes, la production suit une progression dramatique limpide qui nous fait découvrir le tourbillon dans lequel le président et le pays s’enfoncent tandis que tous et toutes continuent de faire comme s’il n’y avait rien de pourri au royaume… On reconnaît dans ce style hyperactif la patte d’Olivier Morin à la mise en scène. Si le spectacle perd de son «focus» en dernière partie lorsqu’il verse dans la dystopie guerrière, le message d’avertissement demeure on ne peut plus clair. La tarte du pouvoir que les puissants se partagent a beau avoir l’air appétissante, on a beau prétendre qu’elle est délicieuse et désirable, l’odeur ne trompe pas : « The cake is made of shit. » Et si on ne s’attaque pas au coeur du problème, l’odeur ne partira pas.
The King Stinks mord joyeusement dans la satire politique avec une énergie à laquelle il fait bon céder… en se pinçant le nez!
Crédit photo Caroline Hayeur