Je suis un produit : performance d’acteur
Je suis un produit : performance d’acteur
Auteur en résidence à La Licorne, Simon Boudreault nous arrive avec une nouvelle comédie grinçante à souhait : Je suis un produit, dans laquelle il s’emploie à montrer que chacun d’entre nous cherche à présenter une image susceptible de plaire aux autres… un peu comme les compagnies qui cherchent à nous vendre leurs produits!
La création de Simoniaques Théâtre se penche sur les raisons qui nous poussent à utiliser nos vies comme matière première pour nous transformer en produit attractif et compétitif, et sur la manière dont nous parvenons à nous convaincre de l’importance d’y parvenir pour trouver notre place en société, parfois au point de nous mentir à nous-même autant qu’aux autres.
L’écriture fine et lucide de l’auteur est ici presque éclipsée par la performance (c’est le bon mot) d’Éric Bernier, boosté au 220 volts pendant toute la représentation. En président d’une agence de publicité, il donne tout un spectacle! Il s’éclate visiblement dans le rôle de Jeff, 100% sans filtre et brassant beaucoup d’air, au concret comme au figuré. Si le piège de la caricature guette, Bernier l’évite en insufflant ce qu’il faut de lucidité et de fragilité à son personnage à quelques moments de la pièce. Son interprétation dynamise la production et fait crouler de rire le public à chaque intervention. À ses côtés, Catherine Ruel (en victime d’intimidation), Louis-Olivier Mauffette (en entrepreneur au fond un peu raciste), Alexandre Daneau (en bon gars éternellement en attente de promotion) et surtout Houda Rihani (dans le rôle de Jihane, une immigrante peinant à se faire une place dans le monde du travail), tous tirent leur épingle du jeu, bien que Bernier leur vole souvent la vedette.
Simon Boudreault, qui signe également la mise en scène du spectacle, nous amène tout doucement à voir comment les identités se bâtissent sur un jeu d’images soigneusement entretenues, comme Jihane, qui décide de porter le voile pour correspondre à l’image qu’on a de la bonne musulmane cherchant à intégrer la société québécoise et qui permet, par son embauche, de donner à la compagnie de publicité de Jeff une image d’ouverture à la diversité. Comme Jeff, qui simplifie tout parce que « Si c’est trop compliqué, ça ne vend pas », au point d’oublier dans le processus l’importance d’écouter de prendre en compte les sentiments d’autrui. Ou comme Alexandre, qui doit refaire son image pour faire oublier sa blague raciste pour ne pas perdre de juteux contrats. Je suis un produit donne aussi à voir, avec beaucoup d’humour, comment les techniques de marketing peuvent s’appliquer aux relations interpersonnelles et servir à obtenir ce qu’on veut des autres…
Se construire une image factice est d’autant plus facile aujourd’hui avec les réseaux sociaux, où le mensonge d’une vie parfaite s’entretient d’un clic photographique. La projection de publications tirées des réseaux sociaux des protagonistes n’a rien de bien subtil, mais le procédé scénique sert efficacement le propos, en plus de faire sourire à plus d’une reprise quand on voit à quel point les publications ultra-positives tranchent avec les difficultés rencontrées dans la vie de chacun. Ces projections facilitent aussi les transitions parfois longuettes entre les tableaux, quand les interprètes déplacent et replacent inutilement le mobilier de bureau.
Mais outre ces faiblesses de mise en scène, Je suis un produit se consomme avec plaisir, grâce à l’interprétation colorée d’Éric Bernier et au sens de l’observation aiguisé de Boudreault, qui mise encore une fois juste dans son portrait d’une société où le marketing prend le pas sur l’humain.
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Calendrier
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Du 23 novembre au 19 décembre 2021
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