Par Gabrielle Brassard

Que le Jamais Lu fait du bien! Des textes porteurs d’une réflexion sur notre identité, notre action, la société parfois apathique dans laquelle nous vivons, mais enfin, enfin un peu de lumière! Comme quoi il est possible d’écrire des textes réflexifs, mais heureux, absurdes et drôles. Quelle fraîcheur dans notre dramaturgie québécoise tellement toujours sombre, tortueuse, déprimante! Enfin des histoires qui nous emmènent ailleurs, dans des univers totalement improbables, dans une écriture à la fois comique et profonde. Et la magie du Jamais Lu, c’est qu’en plus, les lectures font appel à notre imagination plus que jamais, et c’est formidable. On ne peut s’empêcher de se poser la question « comment ça pourrait être monté »?

The Weight Crédit photo : David Ospina
The Weight
Crédit photo : David Ospina

Le texte d’Emmanuel Schwartz et Benoît Drouin-Germain ne fait pas exception à cette nouvelle vague de textes lumineux. Dans une mise en lecture des deux auteurs, The Weight est original à plusieurs niveaux. D’abord, c’est un texte bilingue. Audacieux et étonnement bien calibré, probablement grâce à la bonne interprétation des comédiens, mélange d’anglophones (Matt Golberg, Jeff Ho, Matthew Raudsepp) et de francophones (Florence Blain, Marilyn Castonguay, Vincent Côté, Jacques Laroche et Mani Soleymanlou). On constate rapidement que les anglophones ont plus de mal à parler français que l’inverse, mais on apprécie l’effort, et cela a un charme certain. La plupart des personnages parlent les deux langues en même temps, mais on trouve plaisir à entendre ce langage mélangé, à l’image de notre réalité montréalaise.

The Weight raconte l’histoire d’amour entre un anglo, Brian Hunterson, et une franco, Flore Larose-Lacheville, à travers leur bande d’amis. D’abord très narratif et réaliste, le récit prend une tournure inattendue, quasi-science-fiction, sur un fond d’événements historiques québécois, de nombreuses évocations de lieux montréalais mythiques, et de réalité du « poids de la différence », tournant de cette histoire rocambolesque.

Produit de la mise en lecture ou du texte, la lecture était empreinte de musique, parfois trop présente (et pas toujours nécessaire), du moins pour cet événement. Les personnages prennent un peu de temps à nous être présentés, on comprend alors difficilement, au début, pourquoi Mani Soleymanlou interprète une caricature totale d’un homosexuel, ou pourquoi la chronologie de l’histoire est faite par tous les personnages. Mais dès la scène suivante (les scènes ne sont pas nombreuses, mais longues), on apprend qu’il s’agit en fait du groupe d’amis du couple, qui le suivra dans son aventure.

Bien ficelé, d’une écriture habile et bien interprétée par les comédiens présents au Jamais Lu, The Weight serait intéressant à voir monté, du moment que l’absurdité de l’histoire soit totalement assumée, et ne tente pas d’être montrée littéralement. On voit mal comment un vortex spatio-temporel, un personnage transformé en chien et une corde longue à l’infini pourraient être réels. Un beau défi de mise en scène, mais qui vaudrait la peine d’être relevé. Vive ce texte drôle, original et plein d’énergie positive, en plus d’être une belle réflexion sur notre métropole et de ce que nous y vivons!

 

The Weight
d’Emmanuel Schwartz et Benoît Drouin-Germain
Avec Matt Golberg, Jeff Ho, Matthew Raudsepp, Florence Blain, Marilyn Castonguay, Vincent Côté, Jacques Laroche et Mani Soleymanlou

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