Grâce à l’accueil toujours exceptionnel de l’équipe du Casteliers et de sa codirectrice générale et directrice artistique Louise Lapointe, notre rédac’ chef David Lefebvre a pu assister à sept spectacles lors de la plus récente édition du Festival de Casteliers. Voici son compte-rendu et ses critiques, en trois parties.

par David Lefebvre

En ce mois de mars 2016, le Festival de Casteliers soufflait les bougies de son 11e anniversaire. Pour l’occasion, des compagnies d’Europe, du Canada et du Québec étaient de la partie pour ravir petits et grands. Au programme, sept spectacles pour la famille et trois pour adultes. En deux jours, j’ai pu assister à sept d’entre eux.

PARTIE 1

Oh! l’oie, l’oie! (Teatr Animacji, Pologne)  

Photo Beznazwy
Photo Beznazwy

Samedi matin, 11h, dans l’auditorium fraîchement rénové de l’École Paul-Gérin-Lajoie-d’Outremont, le public a rendez-vous avec la compagnie polonaise Teatr Animacji et son spectacle Oh! l’oie, l’oie!. Plusieurs fois récompensée, la pièce, un brin littéraire, raconte l’histoire d’une oie au bout du rouleau. Alors que le renard se pointe au poulailler pour se farcir l’une des ses habitantes, l’oie tente de convaincre le canidé roux de la croquer, elle. Maigrichonne, moche, elle ne l’inspire pas ; mais le renard offre de l’accompagner chez son ami le loup qui n’en fera qu’une bouchée. Écrite et mise en scène par Marta Guśniowska, Oh! l’oie, l’oie! est une fable au sujet à première vue un peu lourd pour les plus petits, soit la dépression, la recherche du sens de la vie et du bonheur. Mais les enfants s’amusent des poules qui ronflent, de l’oie qui se noie ; ils comprennent sans peine l’amitié naissante entre le renard et l’oie et l’acceptation de la différence, alors que les adultes peuvent se reconnaître dans les interrogations un peu plus philosophiques de l’oie.

La conception des marionnettes (Julika Skuratova), presque grossière, utilisant des matériaux rugueux, donne l’impression de fait maison. Elles sont pourtant superbes, amplifiant le rapport à la terre, au concret. Les interprètes Mariola Ryl-Krystianowska, Elżbieta Węgrzyn, Marek Cyris, Krzysztof Dutkiewicz et Marcin Ryl-Krystianowski, qui cachent leur visage derrière le rebord de leurs chapeaux des années 40, les manipulent avec expertise : plutôt petites, les marionnettes ne permettent pas tant de mouvements, pourtant elles sont bien vivantes entre les mains des marionnettistes. L’accent et le français approximatif (qu’on leur pardonne sans peine, car la version française a été créée expressément pour le festival) empêchent parfois de bien comprendre tous les dialogues, et plusieurs jeux de mots se perdent dans l’adaptation ; néanmoins, l’histoire est plutôt agréable et simple à suivre. Les magnifiques jeux d’éclairage, qui mettent l’avant-scène en lumière et l’arrière-scène dans l’ombre, permettent les changements de décor (des commodes à tiroirs – légèrement sous-utilisées) avec beaucoup de fluidité.

Caminando et Avlando (Ubus Théâtre et Théâtre La Comète de Châlons-en-Champagne)

Photo Alexandre Zacharie
Photo Alexandre Zacharie

Puis, hop ! Quelques minutes plus tard, c’est dans un autobus qu’on se retrouve, celui, reconverti, de la compagnie Ubus Théâtre. Caminando et Avlando, saga familiale touchante, nous propulse de l’Espagne à la Grèce, puis de l’Égypte au Brésil. On suit les nombreux exils de Jeanne Nadjari, la véritable grand-mère d’Henri-Louis Chalem (membre de l’Ubus Théâtre) durant une grande partie du 20e siècle. Pierre Robitaille et Agnès Zacharie, en agents de bord, s’assurent de notre confort avant le décollage – car l’autobus, pour l’occasion, devient un avion de ligne. Pour passer le temps et « nourrir notre âme », on nous présente le documentaire sur Jeanne, dit Nona. Marionnettes en 2 et 3 dimensions, projections, écrans, papier, animations préenregistrées et en direct ; il est réellement étonnant de voir la complexité et la multitude de techniques employées dans un si petit espace. Chacune d’elles est d’ailleurs utilisée avec une précision remarquable et une pertinence admirable. Le texte d’Agnès Zacharie, d’abord inspiré par une jolie, mais intrigante phrase apprise de la grand-mère d’Henri-Louis – todo el mal a la mar (tout le mal à la mer) – parle avec beaucoup de sensibilité et de douceur de la famille, des origines, de l’amour profond, sans faille, qui nous transporte de pays en pays, de la guerre, du déracinement et de la résilience. Grâce aux photos découpées ou animées, aux captations vidéo de Nona et aux cartes postales, on s’attache à cette femme au centre d’une histoire trop belle, trop grande, pour ne pas la raconter.
Coup de coeur émotif du festival.

À suivre : partie 2 – Louis Riel : A Comic-Strip Stage Play, Monsieur Qui ? et The Table.

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