(CRITIQUE) RTADOS – Lumineux amour : critique de « Et si Roméo et Juliette… »

Y a-t-il histoire plus éternelle que celle, tragique, de Roméo et Juliette? Pour sa nouvelle création, DynamO Théâtre se penche sur les deux célèbres amants de Vérone, immortalisés par la plume de William Shakespeare, dont la pièce est encore aujourd’hui parmi les plus jouées et reprises dans le monde.

La très belle production Et si Roméo & Juliette…, présentée en première mondiale au festival Rencontre Théâtre Ados, ne se contente toutefois pas de nous rejouer le drame de ces deux adolescents issus de clans ennemis et refuse même de les abandonner à leur triste sort. Pour cette relecture pleine de tendresse, la metteure en scène et codirectrice artistique de la compagnie, Jackie Gosselin, a pris le parti de l’espoir, celui que le désastre est évitable parce qu’on a tous un rôle à y jouer, une responsabilité face au conflit.

Crédit photo Guy-Carl Dubé

Sur scène, deux escaliers rouges, l’un droit, l’autre courbe ; deux familles divisées de père en fils, de mère en fille, et la lumière qui surgit sous la forme d’un amour inconditionnel. Et si Roméo & Juliette… propose une relecture syncopée du drame que tous connaissent déjà un peu ou beaucoup, sans y sacrifier pour autant la compréhension de l’histoire. Elle n’en retient que les personnages centraux et les scènes charnières, où les personnages auraient pu ou pourraient prendre des décisions différentes. Se déploie ainsi le bal donné chez les Capulet, où les gestes des danseurs se feront plus tard échos des combats (lumineuse idée que de mimer l’affrontement en faisant résonner le bruit des lames qui s’entrechoquent en arrière-plan), puis surgissent la fameuse scène du balcon, le duel de Mercutio et Tybalt, l’assassinat du cousin de Juliette, l’exil de Roméo… C’est avec pudeur que la production aborde la scène du tombeau, où Roméo retrouve son amour, et avec beaucoup d’affection qu’elle offre aux personnages l’occasion d’enfin déposer les armes.

Les quatre interprètes acrobates (Marie Fannie Guay, Marc-André Poliquin, Dominic St-Laurent et Catherine St-Martin) s’échangent les rôles aussi naturellement qu’ils se déplacent dans l’espace, tout en vrilles, en sauts et en culbutes. Roméo devient Juliette, Juliette se glisse dans la peau de Mercutio, Mercutio enfile les gants de Tybalt, et Tybalt se fait Roméo, dans l’ordre et le désordre, joyeusement et sans égard aux sexes, dans de très beaux mouvements acrobatiques qui nous font valser avec eux. Le plateau lui-même tourne pour offrir constamment une nouvelle perspective sur les événements et sur le temps qui passe.

Le bel équilibre entre chorégraphies et répliques tirées de la pièce est cependant fragilisé par l’ajout d’une voix hors-champ, celle de William Shakespeare en personne (Lucien Bergeron), qui vient inutilement exposer les messages de la pièce, décortiquer ce que le spectacle évoque déjà avec subtilité en gestes et en quelques mots. Ses interventions minent le rythme autrement fluide de la production.

Il faut par ailleurs souligner le travail d’éclairage exceptionnel de Martin Sirois. Jouant de clairs-obscurs, ses éclairages tantôt éblouissent la salle en noyant le plateau de lumière, tantôt découpent les silhouettes des interprètes pour n’en laisser voir que des figures sombres baignées de lumière. Les choix de couleur s’harmonisent et rehaussent les rouges et gris des costumes et décors dans un bel effet d’ensemble.

Au fil de ses créations, DynamO Théâtre a fait la démonstration de sa grande sensibilité en mettant en scène les émotions vécues par les jeunes et les situations auxquelles ils sont confrontés et qui leur semblent parfois inextricables. Et si Roméo & Juliette… poursuit dans la même veine en faisant vibrer dans l’espace l’histoire d’un amour pas si impossible qu’il y paraît…

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