Limbo : Merci d’avoir assisté à ma conférence

Limbo : Merci d’avoir assisté à ma conférence

Deux tables pliantes placées côte à côte, un pichet d’eau, des verres, de grands cartons et trois drôles de conférenciers qui attendent le bon moment pour commencer leur présentation. Sur quel sujet précisément? Il faut plusieurs minutes pour en discerner vaguement les contours tant leurs interventions ressemblent à des circonvolutions qui partent dans toutes les directions.

La nouvelle création d’Amélie Dallaire, Limbo, capture joyeusement le désordre du processus créatif pour mieux explorer les vagues inconscientes qui nourrissent (ou pas) notre créativité. En adoptant la forme très figée et structurée de la conférence, la pièce joue habilement la carte de l’absurde en tentant de rationaliser ou même de mettre en mots ce processus mystérieux.

Un animateur de Radio-Canada ayant eu un petit moment de glissement lors d’une entrevue, quelques jours avant la première, a prononcé le titre de la pièce «lin-bo». Il n’était en fait pas si loin du compte, car la pièce semble souvent flotter dans des limbes. Les trois personnages de Limbo nagent en effet dans un océan d’idées et de pensées sans réelles attaches ni but, incapables qu’ils sont d’en suivre une seule jusqu’au bout sans s’égarer sur un chemin de traverse. Ils semblent plus emballés par l’apparition des idées chez l’une des leurs et leur provenance quasi mystique que par les idées elles-mêmes.

L’autrice Amélie Dallaire multiplie les non-dits dans ce texte dont elle signe aussi la mise en scène. Limbo explore les chemins tortueux de la pensée au fil de cette conférence décousue qui finit par nous amener sur le terrain des émotions quand l’entêtante absence d’un quatrième larron devient trop pesante. Sa présence douloureuse, représentée par une chaise vacante, sert de bougie d’allumage au chaos qui s’installe sur scène, les personnages évitant le sujet comme les joueurs de limbo évitent le bâton.

Dans la peau des trois apprentis conférenciers aux liens jamais vraiment précisés, Oliver Morin, Karine Gonthier-Hyndman et Raphaëlle Lalande font merveille. Habitués de l’humour absurde, que ce soit avec Like-moi ou des productions du Projet Bocal ou du Théâtre du Futur, ils ont le rythme parfait pour servir ce texte plein de flottements, de désordre et d’interventions involontairement amusantes. Ils laissent le texte respirer, donnant même lieu à quelques longs silences proches de la séance d’ASMR tant leurs micros captent le moindre son provenant des feuilles froissées, du cliquetis du clavier ou de l’eau qu’ils versent.

Tout en adoptant la forme très figée de la conférence, Limbo glisse subtilement vers le questionnement existentiel grâce à une écriture qui capture bien l’éclatement d’idées et de pensées du processus créatif. Fort bien servie par une distribution en phase avec le fil narratif désordonné et l’humour absurde, la production donne assurément matière à réflexion, mais elle fait avant tout beaucoup rire.

Crédit photo David Ospina


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Calendrier

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Du 17 février au 1er mars 2022

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