Jamais Lu 2022 : Michelin, celui que j’aurais pu être
Jamais Lu 2022 : Michelin, celui que j’aurais pu être
Michel-Maxime Legault a failli s’appeler Michelin, c’est entre autres ce que l’auteur nous révèle dans ce nouveau texte mis en lecture par Marie-Thérèse Fortin, au Festival du Jamais Lu, et dans lequel il se met à nu.
Michelin, c’est celui que Michel aurait pu être ou devenir. C’est cet alter ego si différent de lui et qui aurait parfaitement trouvé sa place dans la famille désaccordée des Legault. Michelin, qui ne se serait pas constamment posé de questions et qui ne se serait certainement pas demandé, lui, s’il aurait fait des choix différents s’il avait porté un autre prénom. Car c’est bien ce qui tourmente Michel-Maxime Legault : sa vie aurait-elle pris une tout autre tournure si ses parents l’avaient appelé Michelin?
Né septième d’une famille de sept enfants et ayant grandi dans le secteur de Saint-Polycarpe, sur la ferme familiale, le petit Michel (le Maxime ne viendra que plus tard), hyper sensible et au sens du tragique inné, n’a jamais vraiment trouvé sa place, ni dans sa famille de fermiers, ni dans sa communauté rurale. Affecté par la mort de chaque vache, de chaque poule, plus intéressé par son piano et le théâtre que par la machinerie lourde et le ronflement des moteurs, peu populaire et suivi par l’odeur tenace de la ferme, Michel n’a qu’une envie : trouver un moyen de fuir la ferme. Le récit qu’il fait des tristesses, des bonheurs comme des malheurs, des rassemblements familiaux et des événements marquants ou traumatisants de son enfance (salutations au raton laveur Coco!) est aussi captivant qu’irrésistiblement drôle, même dans ses moments crève-coeur. La tribu familiale des Legault mériterait à elle seule un téléroman en plusieurs saisons.
L’humour de l’auteur, plein d’autodérision et qui n’épargne personne, passe autant par ses incroyables et apparemment sans fin péripéties, jusqu’à ce mois de décembre où l’ombre de Michelin a enfin cessé de le hanter, que par le ton et le choix des mots. Pas un temps mort, pas une blague ou une référence qui tombe à plat.
Les descriptions que l’auteur fait des travers, petits et grands, de ses parents, frères et soeurs remplissent notre imaginaire, si bien qu’en fin de lecture, on a l’impression de faire partie du clan. Les thèmes et le style du texte ne sont pas sans rappeler ceux qui traversent l’oeuvre de Michel Tremblay tant, malgré les conflits, on sent le grand amour que Michel-Maxime Legault porte à sa famille, en particulier à sa mère haute comme trois pommes et à la personnalité colorée avec laquelle il partage au final bien des points communs.
Pour une soirée de fête des Mères, on ne pouvait rêver mieux que ce texte attendrissant qui aborde avec humour et sensibilité les thèmes de la différence, de l’émancipation et de la famille.
Crédit photo David Ospina