L’Invité : du bon théâtre tout court
L’Invité : du bon théâtre tout court
Théâtre d’été ou théâtre en été, peu importe l’étiquette qu’on lui accole, la pièce L’Invité qui tient l’affiche au Théâtre Petit Champlain jusqu’au 6 août 2022 remplit ses promesses, celles de nous distraire, de nous égayer et de nous faire passer un fort agréable moment. Dans un décor d’appartement typique du genre avec ses fauteuils dépareillés, ses reproductions de tableaux de maître sans unité de goût, ses babouches dans la bibliothèque, ses livres achetés en vrac au rabais, son train électrique qui parcourt tout l’espace d’habitation et ses meubles recouverts d’une pellicule de plastique, on comprend que les occupants ne brilleront pas par leur finesse et leur perspicacité.
Remarquablement bien écrit, le texte de l’auteur français David Pharao, lauréat pour cette œuvre du prix du Meilleur auteur aux Molières, joue avec toutes les subtilités des procédés comiques. Créée à Paris en 2003, cette pièce, reprise chez nous par le Théâtre du Dream Team et mise en scène par Marie-Hélène Lalande, a été revisitée pour y intégrer des références au Québec d’aujourd’hui, ce qui rend son propos plus familier et en accord avec l’air du temps.
Hubert (Vincent Champoux), au chômage depuis quelques années, grand collectionneur de locomotives et de wagons, a travaillé toute sa vie dans le film alimentaire, la pelli moulante, bref, le Saran Wrap. Comble de chance, il décoche un emploi de directeur d’usine à Jakarta. Mais, ultime test, Hubert et sa conjointe Caroline (Valérie Laroche) doivent recevoir à souper le futur patron, monsieur Carignan (Jean-Michel Girouard). L’intrusion dans le quotidien d’Hubert et de Caroline de leur voisin Alexandre (Emmanuel Bédard), supposé gourou de l’image et des communications, vient bouleverser les préparatifs du repas dans une sorte d’escalade tapissée de stress et d’anxiété.
Pour les deux hôtes, déjà passablement nerveux, les choses se compliquent alors qu’ils doivent prétendre être ce qu’ils ne sont pas. Une des scènes les plus désopilantes est celle où Alexandre essaie d’apprendre à Hubert à faire la conversation. Le jeu de Vincent Champoux, par ailleurs excellent tout au long de la pièce, se démarque dans cet exercice. Ses réactions à la situation sont tout simplement délirantes et elles engendrent un rire généralisé dans la salle. Quant à Caroline, ses multiples changements de robes, sa coiffure au retour du salon de beauté et ses commentaires souvent « à côté de la track » rappellent le personnage de Thérèse dans La Petite Vie de Claude Meunier.
Habilement menée, la pièce est ponctuée de rebondissements et de quiproquos à la fois attendus et imprévisibles. Savoir doser ces deux aspects renforce l’efficacité d’une comédie de situation. Tout en se doutant pertinemment qu’il y a anguille sous roche par rapport à cette offre d’emploi prodigieuse en Indonésie – ce n’est pas le genre de poste qu’on propose à un travailleur docile et sans envergure –, le spectateur se laisse constamment surprendre par les effets comiques du texte et de la mise en scène.
Du début à la fin du récit, L’Invité possède toutes les qualités d’une bonne comédie. Entre les répliques résolument mordantes d’Alexandre, les réparties couramment déphasées de Caroline ainsi que la confiance ébranlée et les réflexes maladroits d’Hubert, l’humour et le ridicule se côtoient merveilleusement dans cette œuvre. Même au dénouement, quand on comprend les intentions de monsieur Carignan, on reste suspendu entre la drôlerie de la situation finale et l’empathie qu’on éprouve pour les protagonistes.
À l’affiche du Théâtre Petit Champlain jusqu’au 6 août 2022.