Carrefour 2023 – Cabaret Noir : florilège de contrastes

Fusionnant la danse, le chant et le théâtre, Cabaret Noir, conçu par Mélanie Demers et produit par sa compagnie MAYDAY, est un spectacle envoûtant, engagé et profondément humain. Sur une scène marquée par les éclairages contrastants de Paul Chambers qui se joue des ombres et de la lumière en magnifiant le corps des interprètes, six artistes polyvalents présentent, dans un amalgame fluide, des numéros musicaux, chorégraphiques et théâtraux qui interrogent, dénoncent et célèbrent la condition noire.

Carrefour 2023 – H+ : une promesse qui s’essouffle

Pendant près de deux heures, un homme, Émile Beauchemin, court sur un tapis roulant, côté jardin. Il complète un marathon de 42 kilomètres qui a commencé avant l’entrée en salle du public. Huit écrans cintrés de néons blancs retransmettent ses données biométriques et ses avancées en temps réel. Cette course qui finit par faire pomper le cœur des spectateurs se révèle la métaphore d’un besoin très concret de dépasser ses limites, d’une soif inextinguible de se sentir productif. Elle traduit une peur de ne jamais en faire assez, de manquer de temps. Elle se nourrit à l’auge de l’excès et du perfectionnisme.

Carrefour 2023 – Phèdre ! : une pure passion

Le Carrefour international de théâtre de Québec démarre en beauté avec Phèdre !, une production suisse de 2b company et le second spectacle du festival à tenir l’affiche cette année. Dans un décor spartiate — à prendre dans le sens de sobre, de frugal —, Romain Daroles interprète un conférencier totalement inspiré par son sujet qui vient discourir d’une œuvre phare du théâtre classique, Phèdre, sans point d’exclamation, de Jean Racine.

Quinze façons de te retrouver : par le prisme des émotions

Pour clore avec prestance son mandat au Théâtre du Trident à titre de directrice artistique, Anne Marie Oliver a choisi de programmer, comme dernière production de la saison 2022-2023, son quatrième spectacle solo, Quinze façons de te retrouver, en collaboration avec la compagnie Bienvenue aux dames. Après Gros et détail, Annette et Maurice qui l’avaient menée à investiguer le cœur de personnes aux prises avec des déficiences physiques, psychologiques et sociales, l’autrice et comédienne sonde dans cette œuvre ses propres agitations, blessures et angoisses. Elle aborde le sujet de la perte crûment, sans ambages, avec courage, générosité et une fabuleuse dose d’humour qui en font une conteuse incomparable.

Mémoires d’un volcan : un diamant finement ciselé

L’Ubus Théâtre, cette compagnie théâtrale de Québec qui a fait le choix de présenter ses spectacles de petites formes à bord de son mythique autobus jaune ingénieusement aménagé, est stationné au Théâtre Périscope pour offrir au public de la Capitale, cette année encore, un diamant finement ciselé.

Satie, agacerie en tête de bois : un mets raffiné

Électrisée par la musique emblématique d’Érik Satie, la compagnie Les Nuages en pantalon revisite son œuvre phare, Satie, agacerie en tête de bois, pour la présenter au Théâtre Périscope près de cent ans après le décès de ce grand compositeur français. Ce spectacle, qui a officiellement vu le jour en 2004 à Premier Acte, avait quelque temps auparavant fait l’objet, dans le cadre de la défunte série « Cartes blanches » du Périscope, d’un laboratoire dûment structuré et chaudement applaudi.

D.écimées : retrouver ses origines

Alors que le scandale des pensionnats autochtones fait couler de l’encre. Que la mémoire des orphelins de Duplessis demeure vive. Que les pressions sur le gouvernement s’intensifient afin d’autoriser un plus grand accès aux informations pour les parents biologiques et les enfants adoptés ou non adoptés qui ont été séparés à la naissance. Que les impacts des dissociations précoces mère/poupon sont de mieux en mieux étayés, la pièce, D.écimées, présentée au Théâtre Périscope par la compagnie Les Gorgones en coproduction avec Carte blanche, est en phase avec son époque.

N’essuie jamais de larmes sans gants : un requiem finement orchestré qui fait œuvre de mémoire

Le Théâtre du Trident fait œuvre de mémoire en cette fin d’hiver en présentant la production, N’essuie jamais de larmes sans gants, d’après le roman de l’écrivain, dramaturge et scénariste suédois Jonas Gardell, adapté pour la scène par Véronique Côté, comédienne autrice et metteure en scène de Québec. La pièce retrace, à travers les péripéties des membres d’une petite cellule gaie de Stockholm, les débuts du sida. Alors que cette nouvelle infection mortelle se répand à une vitesse folle et touche prioritairement les communautés homosexuelles, la société cherche des coupables et impute à ces communautés l’apparition du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et la progression de l’étrange maladie qu’elle génère, au lieu d’explorer des moyens de protéger et d’aider les personnes les plus exposées.

Le Show sur l’effondrement qui n’aura pas lieu : une singulière assemblée

Porté par un collectif d’artistes et produit par le Bureau de l’APA, Le Show sur l’effondrement qui n’aura pas lieu est présenté par ses créateurs comme une conférence-démonstration. À l’intérieur d’une structure de départ consacrée, une assemblée générale est déboulonnée par ses participants, lesquels incluent le public. Livré sous forme de journal de bord, le discours qui étaie la performance se frotte aux distorsions causées par les voix, les sons, la musique, les images et les actions dans une sorte de désordre organisé. Les interprètes (Laurence Brunelle-Côté, Bernard Langevin, Félix Fradet Faguy, Marie-Loup Cottinet, Julie Cloutier Delorme, Robert Faguy et Alain-Martin Richard) y incarnent leur propre rôle pour donner libre cours à leurs réflexions sur la notion d’effondrement appliquée tant à l’individu qu’à la société.

Le garçon de la dernière rangée : une intrigante sensation de catastrophe imminente

Le garçon de la dernière rangée relate les élucubrations d’un étudiant sournois et ténébreux, Claude (Vincent Paquette), qui s’immisce dans la demeure d’un camarade de classe, Raph (Samuel Bouchard), pour satisfaire sa curiosité maladive. En transposant par écrit son expérience intrusive, il avive un besoin malsain chez son professeur de littérature (Hugues Frenette) qui, à l’instar des spectateurs, se transforme en voyeur par personne interposée. Le talent de Claude pour les lettres se démarque des compositions insipides des autres étudiants, ce qui pousse l’enseignant blasé à provoquer, par le biais de critiques acerbes, les desseins déviants de son élève.