Lequel est un Basquiat : le chaos identitaire

Lequel est un Basquiat : le chaos identitaire

Samy, jeune Québécois aux origines haïtiennes, sème sa poésie dans la rue, au gré des surfaces qui croisent son chemin jusqu’au jour où on lui fait une offre irrésistible : créer des faux de Jean-Michel Basquiat en échange de beaucoup d’argent.

À travers la figure de ce jeune immigrant de seconde génération, en quête identitaire et culturelle, Philippe Racine se penche sur sa relation avec l’artiste peintre new-yorkais, brusquement décédé à 27 ans en 1988, et sur son propre désir de trouver sa place dans la société québécoise. Avec Lequel est un Basquiat, l’acteur et auteur, qui codirige le Théâtre de La Sentinelle, propose une oeuvre intimement liée à son expérience de fils d’immigrants et d’artiste noir au Québec, dans un milieu et une culture distincte à laquelle il se sent tour à tour appartenir et étranger.

Le spectacle, composé de multiples fragments, a des allures de courtepointe et s’éparpille en voulant suivre plusieurs lièvres à la fois, entre réflexions sur le racisme systémique et ordinaire, violence policière, perte de repères, analyse des oeuvres de Basquiat, marchandisation de l’art et même la question identitaire québécoise. Il ressort de ce tableau à multiples facettes une impression par moments confuse. D’un côté il y a Samy, celui que Philippe aurait pu devenir s’il avait emprunté une voie différente ; de l’autre il y a Basquiat, que Philippe admire tout en reconnaissant qu’il était loin d’être un modèle, et puis il y a Philippe lui-même, habité par les thèmes et les émotions qui transpirent du parcours artistique de la comète Basquiat et dans lesquels il se reconnaît. On s’y perd un peu.

Pourtant, la proposition de Philippe Racine, qui signe texte, musique, mise en scène et interprétation, soulève plusieurs questions qui résonnent, peu importe notre histoire, notre parcours et nos origines. Dans le chaos créatif de Basquiat, que Racine transpose joliment sur scène (coup de chapeau à Ange Blédja pour la scénographie), il se penche sur la quête d’authenticité que l’on porte en soi, constante et jamais satisfaite. L’art visuel, personnage central de Lequel est un Basquiat, sert tout autant de véhicule à cette quête que de moteur de création. Le tableau que peint Racine bombarde ainsi nos sens avec les couleurs, les figures squelettiques, les visages grimaçants et les mots de Basquiat en intercalant des extraits d’entrevue avec l’artiste originaire de Brooklyn, des photos et des pauses musicales.

Au milieu du désordre de cet atelier, Philippe Racine paraît à son aise. Surfeur de chaos, décontracté, il s’adresse directement au public, intéressé par ses opinions et désireux de l’engager dans sa réflexion. Racine tente d’ouvrir le dialogue sur la façon dont on connecte avec l’art, mais aussi entre êtres humains.

Qu’on soit familier ou non avec Jean-Michel Basquiat, une chose est sûre, Lequel est un Basquiat fait rayonner son oeuvre et les thèmes qui la traversent d’une manière aussi éclatée et unique que l’artiste l’était.


Jusqu’au 8 octobre 2022, au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui

Crédit photo Valérie Remise

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