Une maison de poupée, 2e partie : la brillante suite d’un combat qui est toujours d’actualité

Une maison de poupée, 2e partie : la brillante «suite» d’un combat qui est toujours d’actualité

Imaginée telle la «suite» de la pièce Une maison de poupée écrite par Henrik Ibsen en 1879, Une maison de poupée, 2e partie est présentement à l’affiche au Théâtre du Rideau Vert. Traduit de l’anglais par Maryse Warda dans un français plutôt populaire, le texte du dramaturge américain Lucas Hnath place les personnages d’Ibsen quinze ans après que sa protagoniste Nora ait quitter les lieux de son ancienne vie de femme mariée et de mère au foyer. S’il est vrai que connaître la pièce d’Ibsen n’est pas nécessaire à l’appréciation de ce spectacle, il est clair que le public au fait de cette «1ère partie» ne peut que constater davantage à quel point le contexte du 19e siècle peut ironiquement faire écho à celui d’aujourd’hui.

Mise en scène par Marie-France Lambert, le spectacle est présenté sur une scène presque vide, ce qui lui donne une allure d’arène de combat où les personnages se livrent une perpétuelle joute verbale. Le décor conçu par Raymond Marius Boucher participe aussi à donner l’impression d’un duel constant alors qu’il pivote de manière circulaire au cours de la pièce, suggérant de belle façon ce même genre d’environnement. Ce mouvement permet aussi de renforcer l’idée d’opposition au cœur de l’interprétation de la distribution. Sans cesse sur la défensive, les personnages donnent à voir un débat qui a le mérite, non seulement d’être légitime et toujours d’actualité, mais qui a surtout de quoi divertir. Les comédiens défendent le point de vue de leur personnage respectif avec une si belle conviction que chaque argument soulevé par le texte de Hnath sur la question de l’émancipation de la femme s’opposant à son devoir de mère, tout aussi important, s’avère digne de mention. Il faut dire que, en rapport au texte, le travail de Warda est à souligner. Sa traduction permet assurément une meilleure compréhension des enjeux énoncés à un plus grand nombre, alors que l’emploi d’un vocabulaire assez commun est priorisé. Si entendre le juron anglais «fuck you» à quelques reprises peut détonner par rapport à l’époque dans laquelle le récit s’inscrit, cela ouvre la voie à un peu d’humour. 

D’ailleurs, il importe de féliciter Lambert qui paraît avoir dirigé ses interprètes de façon à ce que les spectateurs soient témoins d’une performance nuancée où le drame laisse place à quelques moments de comédie. Énonçant de cruelles vérités, mais au moyen d’un sarcasme et d’une ironie des plus évidentes, l’ensemble de la distribution se révèle doué pour jouer avec le rythme et l’intensité d’une scène afin de faire rire l’auditoire de manière réfléchie. Ensemble, Macha Limonchik et Paul Ahmarani excellent particulièrement en la matière. À l’écoute l’un de l’autre, ceux-ci offrent une performance exemplaire à travers laquelle leur complicité s’envie. Le jeu de la jeune Rebecca Vachon est surprenant. Celle-ci démontre si bien son aisance à naviguer entre naïveté et manipulation que son personnage d’Emmy, fille de Nora, peut en décontenancer plus d’un. Quant à Louise Laprade, en fidèle et aimante nourrice, elle attire l’empathie de l’auditoire tout comme Ahmarini qui personnifie un Torval d’une sensibilité touchante.

Les costumes de Judy Jonker appuient le travail des interprètes donnant un visuel assez révélateur du caractère des personnages mis en scène. Tout simplement élégante, Limonchik est époustouflante. La comédienne qui visiblement s’amuse à incarner le rôle de Nora amène ses partenaires de jeu à donner le meilleur d’eux-mêmes. À cela s’ajoute la musique de Paul Aubry et les éclairages de Lucie Bazzo pour proposer une atmosphère où la tension est palpable, mais jamais insoutenable comme si un espoir de changement s’inscrivait dans le drame.

Du début à la fin, la pièce Une maison de poupée, 2e partie est portée par quatre interprètes qui donnent tout ce qu’ils ont pour livrer un combat d’idéaux des plus intéressants. Livré avec intensité et une assurance sidérante, le texte de Hnath traduit de l’anglais permet à cette «suite» de l’œuvre d’Ibsen de trouver sa pertinence dans la programmation du Théâtre du Rideau Vert. Grâce à un travail collectif bien orchestré et un amour profond pour les enjeux qu’il met en scène, ce spectacle peut devenir autant l’instigateur d’une prise de conscience nécessaire qu’un objet de divertissement rassembleur.

Une maison de poupée, 2e partie, à l’affiche du Théâtre du Rideau Vert du 24 janvier au 25 février 2023

Crédit photo Théâtre du Rideau Vert

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