Casteliers – Vertip : En terrain glissant
Casteliers – Vertip : En terrain glissant
Que faire quand ses traditions recèlent un fond de racisme? Comment perpétuer son héritage culturel sans donner voix à l’intolérance? Inspirée par le vertep, spectacle de marionnettes de tradition slave, la nouvelle production de Scapegoat Carnivale, s’avance en tout respect et humilité sur ce terrain glissant.
Vertip habite au sous-sol d’un centre communautaire du Mile-End avec ses marionnettes tirées du folklore européen, legs de ses parents. Chaque année, il dirige le castelet de Noël, mais cette année ses marionnettes n’en font qu’à leur tête, que ce soit Zhyd, l’usurier juif, qui secoue son sac de pièces à tout propos, ou le Cosaque qui boit trop. Vertip s’entête pour que le spectacle ait lieu malgré tout, mais peut-il continuer à ne pas voir les préjugés et les symboles antisémites qu’il véhicule?
D’abord écrite pour les Contes Urbains, cette histoire de Joseph Shragge, traduite par Liliane Gougeon Moisan, évite habilement le piège de l’exagération et de la confrontation. Le personnage de Vertip, incarné par Sasha Samar, est attachant, malgré son aveuglement volontaire. C’est avec intérêt qu’on suit ses déboires aussi bien que ses discussions avec sa voisine âgée, qui s’occupe d’habitude de l’aspect technique du spectacle, et ses tentatives de négociations avec ses marionnettes à tiges, simples mais expressives.
Porté par le grand talent de conteur de Sasha Samar, le spectacle mis en scène par Alison Darcy s’étire quelque peu, mais il est impossible de résister au charme de son unique interprète et de son castelet original. Pièce centrale de ce spectacle de poche, l’armoire de bois joliment peinte s’ouvre sur trois petits castelets : en hauteur la scène de la Nativité, au centre le plan terrestre menacé par les flots, et tout en bas les Enfers avec ce qu’il faut de flammes et de diablotins. Une fantastique scénographie aussi signée par Darcy.
Vertip défait le noeud de l’incompréhension tout en douceur sans juger les traditions ou ceux qui les portent, mais sans ignorer non plus le bagage d’intolérance charrié par certains héritages culturels. Un adorable spectacle, à toute petite échelle, qui doit beaucoup à son personnage sensible et au talent de son interprète. Deux supplémentaires ont été ajoutées à la MIAM, les 17 et 18 mars 2023.
Crédit photo Helena Vallès