Le Show sur l’effondrement qui n’aura pas lieu : une singulière assemblée

Le Show sur l’effondrement qui n’aura pas lieu : une singulière assemblée
Porté par un collectif d’artistes et produit par le Bureau de l’APA, Le Show sur l’effondrement qui n’aura pas lieu est présenté par ses créateurs comme une conférence-démonstration. À l’intérieur d’une structure de départ consacrée, une assemblée générale est déboulonnée par ses participants, lesquels incluent le public. Livré sous forme de journal de bord, le discours qui étaie la performance se frotte aux distorsions causées par les voix, les sons, la musique, les images et les actions dans une sorte de désordre organisé. Les interprètes (Laurence Brunelle-Côté, Bernard Langevin, Félix Fradet Faguy, Marie-Loup Cottinet, Julie Cloutier Delorme, Robert Faguy et Alain-Martin Richard) y incarnent leur propre rôle pour donner libre cours à leurs réflexions sur la notion d’effondrement appliquée tant à l’individu qu’à la société.
Le réchauffement climatique, la surconsommation, la pollution et leurs impacts sur la vie font l’objet de tableaux, dont certains imprègnent la conscience. D’autres, comme toute performance qui se respecte, sont plus opaques de prime abord et nécessitent une certaine forme de lâcher-prise pour être appréciés. Les artistes jouent avec la capacité d’attention des spectateurs en saturant leurs sens, leur donnant en même temps à voir et à entendre des éléments disparates et incongrus qui bouleversent l’ordre établi de la raison. L’amalgame de ces éléments crée une poésie visuelle et auditive qui transcende les lieux communs.
La mise en scène comme la scénographie de cet objet performatif sont touffues. Les instruments technologiques y côtoient les moyens du bord dans un décor plutôt hétéroclite. Les artistes semblent disposer d’une certaine liberté dans leur interprétation, ce qui confère à l’ensemble beaucoup de naturel. Dès le début du spectacle, un sac plein de vieux verres en styromousse est répandu sur le plateau. Les interprètes évoluent dans cette sorte de dépotoir avec aisance. Quatre cafetières électriques sont alignées devant une table de conférence. Sur un signe du président de la séance, elles déversent leur contenu sur la scène comme un pétrolier sur l’océan. Cette nappe brunâtre accueille un des moments les plus forts de la représentation, celui où Robert Faguy se transforme en oiseau de mer agonisant dans un amoncellement de déchets sur une grève souillée par la marée noire.
Ce spectacle, dont une première version a pris l’affiche dans le cadre du Mois Multi, à Québec, en 2020, est une création collective élaborée sur le mode du « work in progress ». Librement inspirée d’un livre de Stéphanie Béliveau et Laurence Brunelle-Côté, la production a été conçue autour d’un texte d’Alain-Martin Richard qui a couché sur papier ses observations sur l’effritement de la civilisation. En cours de route, cependant, de nouvelles données se sont ajoutées au canevas de base. Ainsi, les retombées de la pandémie sur les œuvres en art vivant se sont invitées dans le corps de la conférence en dénonçant comment les entraves subies pendant la période de confinement se sont imposées comme autant de vecteurs de chute.
Mais un des principaux stigmates de la culbute au sein du groupe est le décès de Simon Drouin, collaborateur de première heure au projet, dont la mémoire est célébrée par la production. Le soir de la première, elle a également été honorée par la Charpente des Fauves qui a officiellement annoncé avoir retenu le nom de Simon Drouin pour baptiser la salle de diffusion de cet espace de rencontre pour les créateurs de divers horizons et de présentation d’œuvres multidisciplinaires.
Le Show sur l’effondrement qui n’aura pas lieu possède de la matière pour durer plus d’une soixantaine de minutes. C’est cependant le temps que l’équipe de création accorde à ce projet. En concentrant leur intervention sur quelques sujets triés sur le volet, ce parti pris permet à leurs propos, qui au départ peuvent sembler arides, de mieux percoler, le public étant franchement enthousiaste au terme de la représentation. De plus, en mettant l’accent sur l’aspect performatif, la troupe contraint la notion de conférence à déborder de ses cadres.
Les 2, 3 et 4 mars 2023, à La Charpente des fauves
Source photo : Événement Facebook