Traces d’étoiles : duo improbable, tension palpable, complicité indéniable

Traces d’étoiles : duo improbable, tension palpable, complicité indéniable

Plus de 20 ans après avoir été présenté au Théâtre de Quat’Sous pour la première fois, la pièce Traces d’étoiles, écrite par l’Américaine Cindy Lou Johnson et traduite par Maryse Warda, revient pour clore la saison du Rideau Vert avec une nouvelle série de représentations. Pour la seconde fois, Pierre Bernard assure la mise en scène de cette pièce qui met en scène Rosannah DeLuce (Mylène Mackay) et Henry Harry (Maxim Gaudette) un duo improbable forcé par le destin à faire connaissance alors qu’une tempête hivernale fait rage. Dans ce huis clos imposé par la nature, les esprits s’échauffent rapidement et la tension monte à un point tel que de lourds secrets seront révélés pour donner à voir un spectacle alliant belle sensibilité et vive intensité. 

Livré par deux comédiens hors pair avec un aplomb inébranlable, le texte résonne comme un vacarme perturbant la tranquillité d’une modeste cabane sans éclat. Judicieusement choisi par Camille Jupa, l’ensemble des accessoires trouve sa place et a son utilité dans une pièce qui est, à la fois, une cuisine et une salle à manger où un lit simple figure non loin de la porte d’entrée. Délimité par des murs ternes où une unique fenêtre permet de distinguer la neige qui tombe et le vent qui fait rage au dehors, le décor imaginé par Daniel Castonguay a tout pour suggérer qu’il s’agit de la demeure de quelqu’un vivant en solitaire. Incliné légèrement vers l’avant, l’espace de jeu présente de belle façon cette constante impression que les personnages sont instables, pouvant perdre pied à tout moment. Dès son entrée en scène, Mackay s’avère époustouflante alors qu’elle livre sa première réplique à un rythme effréné, maintenant l’auditoire en alerte. La comédienne donne déjà de quoi s’attendre à une performance impressionnante de sa part. Le public ne sera pas déçu. Aussitôt Rosannah réveillée après deux jours à dormir sous le regard attentionné et inquiet de son hôte, les deux personnages se révèlent rapidement un duo des plus attachants. D’une indéniable complicité sur scène, les deux interprètes réussissent magnifiquement bien à incarner cette attirance que leurs personnages respectifs ont manifestement l’un pour l’autre. 

Sans jamais laisser le rythme tomber, Mackay et Gaudette défendent le texte avec brio. Offrant un jeu nuancé où, grâce à l’ironie, le drame devient souvent source d’humour, Gaudette brille dans son interprétation d’Henry. Le comédien parvient habilement à lui insuffler une sincère fragilité dans la voix tout en faisant ressortir son côté terre à terre, ce qui ne manque pas de faire rire l’auditoire devant cette ambivalence de caractère. En comparaison, Mackay incarne une Rosannah beaucoup plus imprévisible. La comédienne s’amuse visiblement à passer du rire aux larmes, de la timidité à l’effronterie, du malaise à l’aisance sans pour autant sacrifier son authenticité de jeu. La distribution rend justice à la complexité du genre humain mettant en lumière tous ses travers et ses contradictions avec une vérité qui inspire la compassion. Les éclairages de Julie Basse tout comme les costumes conçus par Elen Ewing appuient subtilement le jeu dramatique pour ancrer l’action dans un univers des plus réalistes. Quant à la musique de Simon Leoza, elle vient marquer la théâtralité du spectacle en proposant une ambiance sonore de pair avec le niveau de tension qui se joue sur scène. Le travail de Bernard à la mise en scène met en valeur le dévouement de ses comédiens à offrir une représentation sans temps mort. Le metteur en scène préserve l’attention des spectateurs du début à la fin en évitant d’abuser de longs silences sans mouvements, mais sans perdre leur intensité dramatique.

Au cours de la représentation, les deux interprètes accaparent l’entièreté de l’espace de jeu et rayonnent tout simplement grâce à leur capacité de soutenir la tension en enchaînant les répliques à une cadence remarquable. La mise en scène invite le public à rester dans le moment présent pour ne rien manquer de cette pièce dont la qualité repose sur les nuances suggérées dans l’interprétation. Le travail à la conception réussit à créer un univers réaliste, mais avec une petite touche de théâtralité qui permet de vivre un beau moment de théâtre. Traces d’étoiles s’inscrit comme un bel hommage à l’imperfection humaine qui peut faire rire comme elle peut émouvoir sans être obligée d’être lourde à constater.

Traces d’étoiles, à l’affiche du Théâtre du Rideau Vert du 9 mai au 10 juin 2023

Crédit photo Théâtre du Rideau Vert

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