FTA 2023 – White Out : ressentir le vide dans la tempête

FTA 2023 – White Out : ressentir le vide dans la tempête

Faisant partie de la programmation du Festival TransAmériques (FTA), le spectacle White Out de la compagnie L’eau du bain transforme le Théâtre Rouge du Conservatoire en un espace où le réel et le rêve se confondent. Plongeant le public dans un brouillard de fumée perpétuel, cette œuvre théâtrale tend à rendre palpable le vide intérieur ressenti en période de deuil, de peine d’amour ou lors d’une dépression alors qu’une tempête fait rage au-dehors. 

Dans une chambre en bord de mer, se trouve un lit aux draps blancs froissés. Le bruit d’un vent qui souffle fort se fait entendre. Les murs de la chambre imaginée par le scénographe Simon Guilbault sont imperceptibles. Impossible de dire où s’arrête la mer noire et où commence le plancher intérieur de la pièce suggérée. Dans ce vaste espace inhabité et embrouillé par une fumée blanche, le vide prend toute la place. Dès les premières minutes de la représentation, les spectateurs sont soumis à un vacarme strident et à des effets stroboscopiques qui les contraignent à une perte de repères quasi totale momentanément. La silhouette d’une femme apparaît dans ce chaos. Cette simple image, dont la force s’accroît grâce aux éclairages de couleurs criardes conçus par Nancy Bussières et l’ambiance sonore alarmante créée par Thomas Sinou, donne l’impression que la nature enragée a trouvé une brèche pour entrer dans la chambre. L’espoir d’une possible quiétude disparaît malgré la tempête qui diminue en intensité. 

En raison des effets de lumières, la comédienne a un visage indistinguable alors qu’elle récite avec lenteur des passages du roman La maladie de la mort de Marguerite Duras. Son débit rappelle cette désorientation provoquée par une perte imprévue mêlée au sentiment d’impuissance suite à celle-ci. Elle mime ses paroles sans pour autant s’y coller parfaitement, donnant l’impression que son esprit est légèrement déconnecté de la réalité. Le femme se sert du lit et des draps pour illustrer son tourment intérieur avant de s’y laisser tomber. Dans la brume qui donne toujours un effet vaporeux onirique, la silhouette d’une fillette apparaît et elle s’installe à ses côtés. D’autres silhouettes d’enfants ne tardent pas à les rejoindre ; la chambre est habitée par la vie un court instant. Toute cette vie repart pour ne laisser que la femme, seule, dans la tempête, qui accueille maternellement la mystérieuse première fillette dans ses bras. Le public est laissé sur cette image tendre de deux silhouettes accrochées l’une à l’autre sans savoir s’il s’agissait d’un songe ou d’un moment réel pour la protagoniste.

Avec White Out, la compagnie L’eau du bain amène son public dans la solitude de son univers dramatique. Le travail de conception, particulièrement celui fait en rapport au son et à la lumière, donne à voir un espace scénique épuré où les frontières sont inexistantes et où le bruit suggère un décor naturel à imaginer. Performé par des interprètes dont seule la silhouette est distinguable, le spectacle se présente comme une expérience immersive dans une fiction unique pour tous.

Crédit photo Jonathan Lorange

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