L’incroyable machine humaine
par Daphné Bathalon
Il faut vous l’avouer d’emblée, je suis au cirque comme une enfant émerveillée devant un tour de magie : impossible de garder la bouche fermée ou de détourner le regard. J’allais donc à la Tohu, mardi dernier, le coeur léger et le sourire aux lèvres pour voir mon premier spectacle des 7 doigts de la main. Et pour un premier contact, c’en fut tout un!
Plus récent spectacle de la troupe, Séquence 8 est de retour à Montréal pour une très courte durée, après avoir été présenté en première mondiale à Complètement cirque, l’été dernier, et après une tournée en Europe et aux États-Unis. Sur son chemin, le spectacle a recueilli des critiques élogieuses.
Même pour les réfractaires à l’art circassien, il est difficile de résister au charme de Séquence 8 et à la dynamique de la troupe, laquelle a pour ainsi dire inventé son propre style. À mille lieues du clinquant et spectaculaire Cirque du soleil et à quelques pas de danse du théâtral Cirque Eloize, Les 7 doigts de la main proposent un spectacle au croisement de la danse, du théâtre et du cirque. Il n’y a pas, dans Séquence 8, un enchaînement de numéros, mais un spectacle ponctué de numéros, toute une nuance qui fait une grande différence!
Dès le premier numéro, la virtuosité des artistes nous saute au visage avec un numéro de danse éclatant d’énergie et une émotivité à fleur de peau. La musique nous rentre dans le corps tandis que les mouvements des danseurs sur scène s’impriment sur notre rétine. Et la soirée vient à peine de commencer! Tout au long du spectacle, l’impressionnante précision des artistes force le spectateur à retenir son souffle et à ne le relâcher qu’à la toute fin de la séquence, quand l’acrobate a su se tirer sans blessure d’un numéro de haute voltige. Devin Henderson réussit particulièrement bien à ce petit jeu de frousse : sa performance aux anneaux chinois laisse pantois. Si leurs quelques légères erreurs coûtent la perfection au numéro de planche coréenne, Ugo Dario et Maxim Laurin réussissent plusieurs tours de force qui font s’exclamer les spectateurs d’une seule voix. Avec trois boîtes de cigare qu’il fait littéralement léviter dans les airs et une dextérité surprenante, Eric Bates fascine également le public.
Les 7 doigts de la main prennent le temps de se moquer (affectueusement j’en suis sûre!) de ceux qui seraient tentés de tout décortiquer du spectacle, de tous ces esprits critiques qui poussent l’analyse à outrance. Aux spectateurs, les artistes demandent ce qu’ils ont compris du spectacle; entre deux numéros, ils s’arrêtent pour tenter d’expliquer le sens profond de la performance qu’ils viennent d’accomplir, mais… même entre artistes, ils ne s’entendent pas toujours sur le sens à lui donner! Et c’est quand ils réussissent à s’exprimer, car, par moments, ils jouent à ce point l’essoufflement qu’ils ne « parlent » que par grandes inspirations. L’entrevue avec le jongleur Eric Bates est d’un délicieux comique.
Le spectacle aborde pourtant des thématiques très personnelles : la recherche de soi-même à travers les autres, l’interconnexion entre les personnes, la difficulté d’échapper à tous ces liens ou de ne pas y finir empêtré… Parce qu’ils vivent des situations ordinaires qui se transforment en évènements performatifs, il est facile de s’identifier aux artistes en scène. Ils ne sont pas si différents de nous, ils vivent eux aussi toutes sortes d’émotions et c’est justement pour les partager avec nous qu’ils les expriment ainsi, par la poésie et la beauté du geste. Les 7 doigts de la main donnent à voir l’incroyable machine humaine et ses formidables capacités. Au milieu de toute cette poésie, le spectateur charmé ne peut résister à la fantaisie de Séquence 8.
Jusqu’au 16 novembre à la Tohu. Consultez le calendrier pour les dates de la tournée.