Léon le nul : un spectacle qui va de bon train du début à la fin
Léon le nul : un spectacle qui va de bon train du début à la fin
En collaboration avec le Théâtre de la Pire Espèce, le Théâtre Aux Écuries présente une réécriture de la pièce Léon le nul mise en scène par son auteur, Francis Monty. Dans cette nouvelle édition du texte paru en 2018, c’est un narrateur qui se charge de raconter l’histoire de Léon au public. L’unique interprète du spectacle, Étienne Blanchette s’investit corps, voix et souffle pour faire vivre une douzaine de personnages sous le regard amusé des petits et des grands.
Dès son arrivée sur scène, Blanchette annonce un spectacle qui sera tout sauf statique. Le comédien entre aux pas de course et ne perd pas de temps pour s’adresser à son auditoire avec entrain. Son sympathique personnage de narrateur, tout sourire, ne tarde pas à gagner le cœur des spectateurs. Seulement accompagné d’une chaise rouge et d’une bouteille d’eau bleue, le personnage s’époumone fièrement à donner de quoi s’imaginer le récit que Léon lui a confié. L’amusement qu’éprouve Blanchette à incarner les divers personnages tel un enfant désireux de partager son monde avec autrui est palpable. Il est assez facile de se laisser porter par ses propos et d’accepter de le suivre dans sa folie l’espace de la représentation. Devant un plaisir aussi communicatif, il faut remercier Monty d’avoir laissé son interprète accaparer toute l’attention.
Le travail de Monty à la mise en scène et à la direction d’acteur demeure digne de mention alors que le rythme effréné mis en place dans les premières minutes du spectacle est maintenu jusqu’à la fin. Le «train» conduit par Blanchette est mené avec une assurance qui témoigne de sa maîtrise exemplaire du piano qu’il a été chargé de livrer avec une énergie infantile et une authenticité indéniable. Le texte défile sans accroc ; si bien que la frontière entre le narrateur et les autres personnages qui prennent vie sur scène est, parfois, tout simplement imperceptible. Cela ne fait qu’augmenter le plaisir à regarder le spectacle alors qu’à certains moments, le narrateur et Léon ne font qu’un.
Évidemment, il importe aussi de souligner, en plus de l’ingéniosité avec laquelle la couleur de chaque personnage est transposée sur scène grâce à un seul et même interprète, à quel point les habiletés vocales et gestuelles du comédien ont été exploitées. Si Blanchette est parfaitement capable de modifier constamment son jeu en fonction de son incarnation de Léon, le frère aîné de ce dernier, ou même la mère de ceux-ci, sa capacité à reproduire le son de certains objets et à mimer le mouvement qu’ils reproduisent est un divertissement en soi. Toute l’action est faite et présentée dans une simplicité qui ne fait que rappeler davantage cette imagination des plus fertiles propre à l’enfance. Même les éclairages de Thomas Godefroid et les costumes de Julie Vallée-Léger paraissent avoir eu l’intention de faire ressurgir l’enfant en chaque spectateur. Leur travail ne fait que rappeler subtilement la représentation théâtrale sans pour autant empêcher le public de s’abonner complètement à la fiction et de s’émouvoir de l’histoire de Léon, ce petit garçon créatif capable de voir plus loin que la réalité imposée.
Cette «nouvelle» production du Théâtre de la Pire Espèce s’achève sur une note aussi belle que touchante. La performance d’Étienne Blanchette est remarquable et à l’image d’une pièce qui mérite d’être vue en famille. Sans perdre sa cadence tout comme sa légèreté, cette réécriture de Léon le nul rejoint magnifiquement bien la cible alors que son narrateur, un adulte au cœur d’enfant, se perçoit facilement comme l’alter ego d’un public de tous âges. Si l’histoire de Léon est loin d’être un voyage sans tracas, la pièce qui la raconte est une aventure des plus amusantes.
Léon le nul, présenté au Théâtre Aux Écuries du 14 au 18 février 2023
Crédit photo Mathieu Doyon