Par Daphné Bathalon

Depuis que j’ai quitté le carrousel d’Avignon, le laissant tournoyer follement sans moi, les quinze spectacles auxquels j’ai assisté ont lentement décanté en souvenirs : mots, images et sensations. Mes critiques, impressions croquées sur le vif, sont là pour me permettre de me rappeler les histoires et les personnages, mais ce qui reste bien plus longtemps après la tombée du rideau à Avignon, ce sont les réflexions et les images imprimées dans les esprits. Il suffit que je m’y retrouve quelques instants en pensée pour que le fourmillement de la découverte me reprenne : vivement la rentrée culturelle pour l’injection d’une nouvelle dose!

En attendant, je reprends le stylo bille, quelque part dans le ciel entre Paris et Montréal, pour revenir sur mon dernier jour à Avignon.

Au sixième jour
Vendredi 18 juillet 2014

Un peu fatiguée par mon marathon (modeste, mais tout de même!) des derniers jours, j’ai finalement privilégié un seul spectacle plutôt que d’en voir plusieurs, dans le baroud d’honneur que je me proposais pourtant de faire. La raison l’a emporté sur le coeur…

P1030607Quelques affiches en ville m’ont dirigée tout naturellement vers le Théâtre du Chêne noir, où la compagnie Les 7 doigts de la main, ou plus précisément l’un des 7 doigts, offrait au public avignonnais son spectacle solo Patinoire.

Créé en 2010 par Patrick Léonard (cofondateur et codirecteur artistique des 7 doigts de la main) et en tournée en France à l’automne et à l’hiver, Patinoire nous questionne sur notre besoin constant d’amour et de reconnaissance. Ce besoin d’être reconnu pousse un acrobate maladroit et plutôt porté sur la bouteille à tenter de nous faire la démonstration de ses talents. Porté par les rires et les applaudissements, il va de plus en plus loin dans sa quête…

Se faisant à la fois jongleur, clown (un peu malgré lui) et équilibriste, le personnage imaginé par Patrick Léonard séduit son public d’emblée avec sa manière maladroite de rechercher son regard, son approbation, ses applaudissements. Seul en scène, il réussit le tour de force de capter complètement notre attention, même avec le plus simple des numéros. C’est ainsi qu’on se surprend rapidement à être suspendu au moindre des gestes de l’acrobate, tantôt pour s’inquiéter de l’équilibre apparemment précaire de cette pile de haut-parleurs sur laquelle il se propose de monter, tantôt pour se demander dans quelle nouvelle situation impossible il ira se placer. Aucun pépin technique (des vinyles qui lui échappent, un diabolo qui disparaît, de la musique qui refuse de jouer…) ne semble doucher son enthousiasme à se mettre en scène et sa capacité à faire marcher le public avec lui.

marcocampanozzi
Crédit : Marco Campanozzi (La Presse)

On a beau se retrouver devant un spectacle qui, par moments, relève plus du théâtre que du cirque, chacun des numéros orchestrés par Patrick Léonard nous amène tout de même invariablement sur le bout de notre siège, la bouche entrouverte, dans l’attente du moment inévitable où l’ambition de l’artiste, qui vide bouteille après bouteille, le précipitera dans sa chute. «Vous vous demandez ce qui va se passer? Moi aussi…» confie-t-il d’ailleurs au public.

Patinoire est le terrain glissant sur lequel tout artiste se donne en représentation par besoin d’aimer et d’être aimé. La performance de plus en plus physique de l’acrobate nous colle à notre place jusqu’au dérapage final, face auquel on se retrouve surpris par un souffle d’émotion. Impossible de ne pas répondre par un sourire à ce spectacle en forme de demande d’amour et de ne pas applaudir la précision et l’adresse de son interprète.

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