[New York] Puffs – L’histoire de l’autre sorcier
par Daphné Bathalon
Quiconque suit un peu l’actualité autour de l’univers de Harry Potter sait que Harry Potter and the Cursed Child, la huitième aventure du célèbre sorcier à lunettes, tient l’affiche sur Broadway depuis plus d’un an maintenant (et que les billets abordables ne sont pas faciles à obtenir), mais il est moins connu qu’un autre spectacle, par des fans pour des fans cette fois, est aussi à l’affiche à New York depuis encore plus longtemps.
Puffs or seven increasingly eventful years at a certain school of magic and magic, ou l’art d’éviter habilement l’écueil des marques déposées, connaît un succès d’initié depuis sa création en 2016, alors en off off Broadway. Depuis, le spectacle a fait son chemin, passant en off Broadway puis traversant même en 2019 la moitié du monde pour s’exporter, avec une nouvelle équipe de production, à Sydney, en Australie.
Wayne Hopkins, jeune orphelin originaire d’Angleterre, mais ayant grandi au Nouveau-Mexique, apprend le jour de ses 11 ans qu’il est en fait un sorcier, que ses parents en étaient aussi et qu’une place l’attend dans la plus prestigieuse école de sorcellerie du monde. L’histoire vous est familière? Bien sûr! Mais contrairement à Harry, Wayne n’est en rien destiné à sauver le monde.
Puffs tire son originalité et tout son sel humoristique de la façon dont elle revisite l’histoire de la série jeunesse la plus populaire de tous les temps en variant le point de vue. C’est en effet les membres de la valeureuse maison au blaireau qui nous racontent cette histoire en sept années et autant de tomes. De quelle manière les Puffs ont-ils vécu la victoire des braves lions lors de la première année de Potter? Que représentait le parfait préfet Cédric pour les Puffs quand la Coupe de feu l’a désigné comme champion? Quelle onde de terreur s’est infiltrée au cœur de la salle commune près des cuisines lors du retour de Vous-Savez-Qui? Bref, que se passait-il ailleurs dans le château et que le lecteur n’a pas vu?
L’auteur et metteur en scène de cette comédie, Matt Cox, déploie une grande habileté dans sa réinterprétation de l’histoire. Il tisse des liens avec les événements bien connus des livres et des films et livre un véritable feu roulant de références qui font sourire. Là où la production aurait pu sombrer dans la farce grasse ou la parodie sans profondeur, le texte de Cox évite le piège de la surenchère, malgré une certaine impression d’un récit qui s’emballe en cours de route, pour peindre un tableau pétaradant, joyeux et franchement irrésistible.
Puffs ne boude pas son plaisir en multipliant les références à l’œuvre dont elle est inspirée et au fandom (tout ce qui entoure l’œuvre, comme les acteurs, les suites cinématographiques ou théâtrales, les produits dérivés, etc.). Le spectacle offre donc différents niveaux de lecture au public, incluant des allusions qui pourraient échapper au fan occasionnel, mais faire hurler de rire les passionnés de longue date.
Le jeune Wayne, le héros de cette histoire réinventée, a la bouille sympathique et le cœur immense. Il n’en faut pas plus pour embarquer un public déjà conquis à l’idée de redécouvrir autrement une histoire qu’il connaît sur le bout des doigts. Cox a créé une bande de personnages disparates, aux traits caricaturaux certes, mais dont il fait ressortir la fragilité à des moments stratégiques. Sous la couche de comédie et sous les facéties, le texte touche ainsi aux thèmes chers à l’auteure JK Rowling : l’amitié, l’amour, la valeur et l’importance des choix personnels.
La production dans son ensemble est à l’image du soin apporté au texte avec de nombreux accessoires et éléments de costumes et de décors qui fourmillent de détails. Avec un accent, une perruque ou un simple style de jeu, les comédiens évoquent très efficacement les célèbres personnages. Ainsi, Ron Weasley est représenté par une vadrouille orange, Hermione par une perruque bouclée, et l’absence de nez sur une tête munie d’un bonnet de bain suffit à évoquer Voldemort. La distribution elle-même, aux allures de troupe de collégiens survoltés (sans reproche aucun), insuffle une solide dose d’énergie au spectacle, qui en devient par moments étourdissant au milieu des vigoureux claquages de porte. Pas de doute, on est dans un boulevard.
Dans le rôle de Wayne, qu’il tient depuis la création du spectacle, Zac Moon gagne aisément l’affection du public, maniant bien l’humour, mais aussi, dans un retournement final surprenant, le drame. Il est bien entouré par tous les Puffs, joyeuse bande de bras cassés. Parmi eux, deux nouveaux membres de la distribution, Sonia Mena (Megan) et Keith Rubin (Cédric, Voldemort), se distinguent en donnant leurs couleurs à ces personnages cruciaux dans la vie du jeune sorcier.
Les fans de Harry Potter, qu’ils aient lu les livres une ou quatre-vingt-dix-neuf fois, auront plaisir à revivre leur histoire préférée avec Puffs. Pour tous les Moldus qui n’y comprendraient rien, un petit sortilège d’Oubliettes et tout sera oublié.
Puffs est en vente sur les plateformes Amazon et iTunes pour les curieux qui n’auraient pas la chance de se rendre à New York ou à Sydney.