FTA 2022 : Re:Incarnation – Force de vie
FTA 2022 : Re:Incarnation – Force de vie
C’est de Lagos, ville-cité du Nigéria, que nous vient cette année le spectacle d’ouverture du Festival TransAmériques. Première production du continent africain à le faire depuis la création du festival, Re:Incarnation signe aussi la première présence du chorégraphe Qudus Onikeku au FTA. D’où, en partie, l’énergie électrique qui parcourait la salle et la scène du Théâtre Jean-Duceppe hier au moment où les lumières ont baissé et les premières notes de musique ont résonné.
Retour aux sources et incarnation par le corps, voilà les deux inspirations maîtresses qui ont guidé le chorégraphe et ses interprètes dans la création de Re:Incarnation, véritable ode à la résilience de l’humain, à sa capacité à guérir et à surmonter les difficultés. En compagnie d’interprètes, presque tous et toutes recrutés par Instagram, Onikeku a renoué avec ses origines pour explorer la conception très spirituelle du cycle de la vie dans la culture yoruba : naissance, mort, renaissance. On les découvre en différents chapitres et tableaux, baignés par les superbes éclairages de Mathew Yusuf, qui découpent les corps et les mouvements, et soulevés par la musique immersive réalisée en direct par Victor Ademofe et Olatunde Obajeun.
La vibration des cordes de la guitare électrique, tantôt longue et enveloppante, tantôt stridente et têtue, le silence qui accueille les trémolos de la trompette et le tempo marqué par les percussions créent une trame sonore qui nous transporte au coeur d’une Afrique riche de cultures et de codes millénaires, mais aussi jeune, créative et tournée vers demain.
Les chorégraphies d’ensemble donnent le ton dès le départ : les corps se mettent tout entier en mouvement, avec un tel engagement qu’ils donnent l’impression d’entrer en résonance, jusqu’aux pieds qui semblent dotés d’une vie propre. D’un tableau à l’autre, les interprètes, quand ils ne dansent pas d’un même élan, font la démonstration de styles qui leur sont propres, mais qu’Onikeku sait tisser entre eux, faisant progresser l’ensemble sur la fine ligne des interconnexions humaines : désir, joie, fierté, passion, colère, peur, tristesse ; tout un monde d’émotions qui compose la vie, se prolongeant même bien au-delà de la mort, et nous traverse au fil du spectacle.
Marquée par le décès en cours de création de l’une des artistes du spectacle, Re:Incarnation raconte aussi la douleur, l’absence et le deuil. Cette douleur, la production de The QDance Company nous l’offre en bouquet de couleurs, de sons et de lumières avant de la transfigurer dans une renaissance apaisée, symbole de renouveau et qui donne envie de joindre nos pas à ceux des danseurs sur scène.
Le dernier tableau, celui de la renaissance, pour lequel les interprètes s’enduisent d’un liquide noir de la tête aux pieds, offre l’un des moments les plus inspirants du spectacle. Les corps désormais ébène semblent tout à la fois capter et repousser la lumière, alors que les visages grimaçants, surmontés de masques ou de cornes font de cette ultime danse un moment de célébration aussi bien qu’un acte de résistance, démontrant que la mort ne signifie pas la fin et, surtout, que la danse nous ouvre la voie vers un recommencement bienvenu.
Le spectacle est présenté du 25 au 28 mai 2022, au Théâtre Jean-Duceppe