Brillante : la force du nombre et du coeur

Brillante : la force du nombre et du coeur

Que ce soit pour fuir des parents trop stricts, un foyer où l’amour s’est transformé en colère, une maison vide ou une menace sournoise et intime, les enfants perdus de Brillante trouvent un refuge frêle dans les ruines de ce qui fut autrefois leur école, lieu de rires, de jeux et d’apprentissages.

Terrifiés par les « abeilles » qui passent en vrombissant dans un ciel couvert, Adèle, Léopold, Andreï, Jemila, Yuki, Lola, Othmane ont tous des aspirations et des croyances différentes, mais leur volonté de trouver une certaine normalité dans un monde en destruction les rassemble. Leur équilibre est toutefois bouleversé par l’arrivée de Dimitri, un orphelin surgi de nulle part avec sa poupée, Brillante. Pleins de méfiance et de rage envers « Eux là-bas », les ennemis qui leur ont tout pris, les jeunes de l’école sont avant tout des enfants en transformation, désoeuvrés et en perte de repères. En les regardant, impossible de ne pas penser à tous ceux et celles qui grandissent sous les bombes en 2023.

Pour raconter cette histoire, la metteure en scène et autrice Clara Prévost a réuni de jeunes interprètes eux-mêmes brillants, y compris le cadet de la troupe, Aksel LeBlanc, au soir de la première. Un beau travail d’équipe de la distribution, aussi composée d’Alice Moreault, de Thomas Derasp-Verge, de Madeleine Sarr, d’Emmanuel Prud’homme, de Marine Johnson, de Madani Tall et de Laurence Barrette. Leur groupe hétéroclite, mais solidement soudé, forme le cœur du spectacle. Du plus jeune aux plus grands, les interprètes travaillent en synergie, les répliques bondissant et rebondissant entre eux avec une fluidité constante tandis que leurs silences et leurs regards échangés en disent tout aussi long. La complicité de la distribution élève la production, qui a pour terrain de jeu la belle scénographie signée Xavier Mary évoquant les décombres environnants.

Crédit Maxime Côté

Au centre de tout, il y a Brillante, la marionnette de bois nue. Elle libère peu à peu la parole des jeunes personnages, les fait s’ouvrir sur leurs peurs, leurs espoirs ou des secrets qu’ils ont jusque-là soigneusement évité d’aborder. Manipulée par chacun des enfants, à plusieurs ou en solo, la poupée s’anime avec une tendre maladresse. Malgré la chape de plomb qui règne sur les gravas, la magie de la marionnette opère, celle qui permet aux humains de se projeter dans l’objet en lui attribuant leurs propres émotions, transformant la marionnette en confidente ou en porte-voix et allumant surtout la petite flamme d’un avenir meilleur.

Le spectacle s’essouffle cependant en cours de route, donnant par moments l’impression de chercher quelle direction prendre, entre fantaisie et tableau de guerre, nous menant à une fin en queue de poisson où le fatalisme semble triompher; un nouveau statu quo prenant place dans des ruines encore plus désolées. Dans les décombres, la lumière faiblit.

Deuxième création des Productions Fil d’or, Brillante poursuit la réflexion entamée avec La place rouge sur ce qui nous divise ou nous rassemble. La production, portée par une distribution dont le nombre et la cohésion font la force, donne la parole à ceux qu’on entend peu lors des conflits et qui en souffrent pourtant le plus. Assurément, Clara Prévost est une jeune autrice qu’il sera intéressant de suivre.

Brillante, à la Salle Fred-Barry du 17 janvier au 4 février 2023
Crédit photo Maxime Côté

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