Mémoires d’un volcan : un diamant finement ciselé

Mémoires d’un volcan : un diamant finement ciselé

L’Ubus Théâtre, cette compagnie théâtrale de Québec qui a fait le choix de présenter ses spectacles de petites formes à bord de son mythique autobus jaune ingénieusement aménagé, est stationné au Théâtre Périscope pour offrir au public de la Capitale, cette année encore, un diamant finement ciselé.

Mémoires d’un volcan, la plus récente œuvre d’Agnès Zacharie — directrice artistique d’Ubus Théâtre — et de son équipe de créateurs aguerris, est coproduite avec la compagnie française Elvis Alatac dont le directeur artistique, Pier Porcheron, unit sa voix et sa virtuosité à celles d’Agnès pour faire naître, dans un environnement intime, un univers sensible et poétique. Sous la baguette magique de Martin Genest, metteur en scène de la production, les souvenirs qui constituent l’assise de ce récit se détachent de leurs ancrages terrestres et enveloppent les spectateurs à la manière d’une couverture moelleuse sous laquelle le temps est suspendu.

La pièce relate la rencontre d’Agnès avec Josée Campanale, cofondatrice du Théâtre de Sable, une compagnie de théâtre jeunesse de Québec qui a créé, pour le plus grand bonheur des petits, de nombreux spectacles de marionnettes dont la facture visuelle concoctée de main de maître par Josée était consciencieusement léchée et immanquablement féérique. Elle raconte l’amitié qui s’est forgée entre les deux artistes au fil du temps, comment une flamme peut poindre d’un simple regard, comment il arrive que l’essence de la personne sur laquelle nos yeux se sont posés déclenche en nous une vibration unique.

La pièce retrace également les jeunes années de Josée Campanale, dans son Italie natale, l’exil de son père qui cherche à trouver une terre d’accueil pour améliorer le sort de sa progéniture ainsi que le déménagement de la famille en France dans une demeure modeste, mais chaleureuse. Elle met en lumière la force créatrice de la petite fille d’alors qui hérite de ses parents une façon de voir le monde, d’appréhender l’existence et de construire l’imaginaire à partir de peu de choses. Ce legs, il semble que Josée l’ait transmis à Agnès en nourrissant son goût pour le théâtre d’objets et de marionnettes. Elle lui a également fait don de son cahier noir qui a servi à concocter le spectacle et duquel sont extraits des fragments de vie dignement transposés en musique, mots, et images dans un décor (Hugues Bernatchez) sobre et expressif.

Une grande noblesse se dégage de cette production qui rend hommage de son vivant — ce qui est malheureusement trop rare — à une créatrice inventive, généreuse, rigoureuse et discrète. Ces traits de caractère imprègnent l’ensemble de l’œuvre. Ils colorent le texte, la scénographie ainsi que le jeu. Il faut voir comment, dans un espace aussi restreint, les objets et marionnettes (Annabelle Roy) ainsi que les costumes (Huguette Lauzé) s’animent pour composer, grâce à l’apport d’un doux éclairage (Henri-Louis Chalem), d’une intégration vidéo inspirée (Studio Nord-Est en collaboration avec Keven Dubois) et d’un environnement sonore fusionnel (Pascal Robitaille et Alexandre Zacharie), une ambiance feutrée, propice à lever le voile des secrets et à laisser s’élever la beauté de l’âme.

Mémoires d’un volcan est une pièce tous publics pleine de tendresse où les fleurs jaillissent des robes, les papillons prennent la pose et les personnages défient les lois de la gravité. Une œuvre qui respire au rythme d’une force tranquille. Une ode à l’élan créatif qui brûle sans se consumer. Une célébration méditative qui ancre la conscience dans l’instant présent. Tenter l’expérience de l’Ubus Théâtre, c’est comme passer un agréable moment au coin du feu avec un vieil ami à partager souvenirs et confidences en dégustant un grand bol de chocolat chaud.

Mémoires d’un volcan, à l’affiche du Théâtre Périscope du 26 avril au 14 mai 2023

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