FTA 2023 – Libya : transmettre par le chant et la danse

FTA 2023 – Libya : transmettre par le chant et la danse

Présenté à l’Usine C dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA), le spectacle Libya allie danse, chant et musique pour porter, sur scène, le savoir et la culture des Imazighen. Cette œuvre, du concepteur et scénographe du projet, Radouan Mriziga, propose de se réunir pour faire connaissance par le corps et la voix. À travers la création collective ou solitaire d’une variété de séquences de mouvements, de différentes cadences, les huit interprètes enchaînent diverses fresques humaines.

Sur une scène propice à la danse où sont tracés trois triangles imbriqués l’un dans l’autre, les artistes font de la chorégraphie et du chant les moyens par excellence de la transmission des connaissances . Sans pour autant créer une histoire avec une trame narrative claire et au sens définitif, Mriziga transporte son auditoire en Libye grâce à la projection constante de divers paysages nord-africains sur deux grands écrans positionnés en parallèle à la scène. Par la danse et la musique, la troupe parvient à se raconter, individuellement et collectivement, à l’auditoire qui entoure l’espace scénique. Chaque interprète amène son énergie propre sur scène et défend une interprétation bien personnelle. Les costumes scintillants conçus par Anissa Aidia et Lila John représentent magnifiquement bien cette individualité dans une mémoire partagée. Chaque individu est vêtu de manière différente, mais les vêtements ont visiblement été créés pour rassembler la troupe à travers la répétition de motifs, de couleurs et de styles. Les huit êtres en présence se rejoignent à certains moments pour donner à voir une belle complicité dans l’exécution d’un même pas de danse, dans la création d’un rythme percussif entraînant ou dans l’interprétation en chœur de chants avec puissance et aplomb. 

Dans cet effort de ne pas vouloir représenter ou de faire connaître l’histoire des Imazighen par les mots, Mriziga permet vraiment à ses artistes d’aller à la rencontre des spectateurs en lui faisant vivre et ressentir la transmission d’un savoir qui fut lui-même transmis autrement que par les mots. Ce choix audacieux occasionne une appréciation de la représentation plus axée sur l’esthétique que sur son sens didactique. Le public doit se laisser porter par la performance singulière à laquelle il assiste en acceptant de ressentir ce qu’elle évoque pour lui sans nécessairement chercher à saisir complètement ce qu’elle représente pour les artistes qui lui en font la démonstration. L’originalité de l’œuvre se trouve vraiment dans cette envie de transmettre sans chercher à enseigner son savoir particulier, mais plutôt en provoquant une rencontre entre créateurs et spectateurs corps à cœur. La compréhension de ce qui se passe sur scène reste bien personnelle à chacun, mais les multiples rythmiques et chorégraphies proposées agencées avec une musique au style généralement assez festif permettent le partage d’une expérience vibrante où les pas sur le sol résonnent pour tous.

Avec Libya, le chorégraphe Radouan Mriziga s’est entouré de 8 cocréateurs pour apporter le savoir des Imazighen de la Libye à Montréal de façon plus traditionnelle. Par la danse, la musique et le chant, les interprètes s’investissent corps et voix sur la scène de l’Usine C pour partager une expérience avec le public qui les encadre. Appuyés par le travail des concepteurs, ceux-ci parviennent à incarner individuellement et en groupe la mémoire qui les unit pour présenter un spectacle rassembleur duquel chacun peut se faire sa propre interprétation.

Crédit photo Pol Guillard

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