Saison 2014 à la LNI : c’est parti!
Par Daphné Bathalon
La fébrilité et l’excitation étaient à leur comble lundi soir au Club Soda, alors que les Oranges et les Bleus s’apprêtaient à lancer la saison 2014 de la Ligue nationale d’improvisation (LNI). Après la présentation des nouvelles équipes et du nouvel arbitre en chef, Simon Rousseau — qui semblait déjà bien à l’aise dans son rôle et déterminé à ne permettre aucun écart de conduite aux joueurs —, le tout nouveau maître de cérémonie et également ancien joueur, Nicolas Pinson, a entonné l’hymne national. Quant au tout premier impronalyste de la LNI, Christian Vanasse, fort de sa longue expérience sur la patinoire, a confié au public s’attendre à une saison relevée.
Décidément, ce 3 mars était un vrai soir de premières : en plus des nouvelles équipes et des changements apportés à la patinoire, à présent posée sur la scène du Club Soda, ce premier match a été l’occasion d’expérimenter une joute sans micros-casques, ce qui ne s’était pas vu depuis une quinzaine d’années, selon le directeur artistique et joueur de la LNI, François-Étienne Paré. L’essai a connu quelques ratés mineurs : certains joueurs ont éprouvé plus de difficulté à projeter efficacement, mais c’est surtout les propos des animateurs que le public perdait complètement sous la musique et le bruit ambiant. À plusieurs occasions, il a été malheureusement impossible d’entendre plus que des bribes des pertinentes analyses de Christian Vanasse. Il faudra sans doute revoir l’utilisation de la musique pendant les caucus et peut-être penser à éteindre les micros au-dessus de la patinoire lorsque les joueurs n’y sont pas. Ramener la tribune d’animation à l’avant-scène ne serait, par ailleurs, pas une mauvaise idée en soi car, placée tout au fond de la scène, elle est peu visible pour une partie du parterre.
Comme souvent, le public a d’abord eu droit à des improvisations comparées, qui ont permis à chacun de mesurer les forces en présence sur la patinoire. La glace a été cassée de belle manière par l’improvisation Hygiène de base. Du côté des Bleus, on a misé sur une ambiance inquiétante dans un cabinet de dentiste, tandis que les Oranges ont proposé une parodie d’émission de rénovation (ou plutôt de démolition) inspirée des Anges de la rénovation. Les Bleus ont remporté le premier point de la soirée, et Réal Bossé, des Oranges, a récolté pour sa part une première punition pour confusion. Le match a plutôt décollé avec la seconde impro comparée, une chantée ayant pour titre En avant toute. Jean-François Nadeau, un habitué des chantées, n’a eu besoin que de quelques secondes pour réaffirmer sa place au sein de la Ligue, après une absence d’un an. Sa chanson aux airs folk et son personnage d’homme mal dégrossi « né avec une fourchette à la place de la langue » a fait crouler de rire le public, ce qui n’a pas rendu la tâche facile à Louis Courchesne, des Oranges, qui le suivait sur la patinoire. Mais le joueur n’avait pas l’intention de s’en laisser imposer par son ancienne équipe des Bleus : sa chanson-lamentation d’un homme qui retrouve toutes ses affaires par terre devant chez lui lorsque sa blonde le met à la porte lui a même valu de gagner la comparée.
La troisième impro, et première mixte de la soirée, Les vertus du chêne, a permis de bâtir une jolie situation de départ pour une belle histoire : celle d’un couple qui a perdu un fils par négligence, et dont le deuil n’est pas encore fait. Malheureusement, l’impro s’est rapidement mise à tourner en rond, en plus de finir en queue de poisson et sur une pénalité de non-respect du thème à François-Étienne Paré. « Plutôt inhabituel », a d’ailleurs commenté l’analyste, ce type de punition étant plus souvent attribuée à l’équipe qu’à un joueur. Le nouvel arbitre Simon Rousseau avait déjà annoncé ses couleurs en entrevue, disant apprécier tout particulièrement les punitions personnelles… « L’arbitre marque son territoire », a conclu Vanasse.
Les équipes sont revenues gonflées à bloc pour la deuxième période, la plus rapide de la soirée, mais aussi la plus cahoteuse. François-Étienne Paré et Louis Courchesne, reprenant là où ils s’étaient arrêtés en fin de première, ont livré une solide histoire de chantier en pleine transformation, une transformation lente et insidieuse dont on aurait aimé connaître la suite. Les joueurs semblaient avoir encore beaucoup de matière à proposer pour cette histoire, trop vite interrompue par le coup de sifflet de l’arbitre. Toujours sur leur lancée, les Oranges ont remporté cette impro, menant au pointage par deux points.
Déterminée à ne pas laisser son équipe cumuler trop de retard, Corinne Giguère a voulu marquer des points dans la mixte Magic Hour, où deux filles tentaient de trouver le meilleur vœu à faire au moment où le soleil se couche derrière les montagnes. Son interprétation énergique lui a permis d’empocher un point pour les Bleus. Malheureusement pour elle, un moment d’inattention lui a aussi valu une punition pour manque d’écoute. Décidément!
Les improvisatrices de la nouvelle génération savent manifestement s’imposer sur la patinoire. Pour ce premier match, les quatre joueuses se sont retrouvées aussi souvent dans l’arène que leurs collègues masculins, un grand plaisir à voir! Virginie Fortin et Marie-Soleil Dion nous ont proposé une Traductrice russe très divertissante, dans laquelle ladite traductrice cherchait à voler l’identité d’une Canadienne en visite. Pour cette impro remportée par les Bleus, les joueurs ont sorti leurs plus beaux accents soviétiques (ou à peu près), ce qui garantit chaque fois quelques fous rires. La période s’est terminée sur une comparée intitulée Confidence, pour laquelle les Bleus ont proposé une prise d’otage canine et les Oranges un prêtre confesseur incapable de garder un secret, un rôle pour lequel Louis Courchesne a fait la démonstration de ses talents. Les Oranges ont brisé l’égalité en ramenant la marque à 4-3.
La troisième période, plutôt inégale, a tout de même donné lieu à quelques perles d’impro, dont L’hypothèse libre, une mixte de sept minutes, qui a permis aux joueurs Marie-Soleil Dion et Jean-François Nadeau de nous transporter au cœur d’une étrange enquête, à la poursuite d’un haltérophile bulgare. « Pour un premier stage à Nicolet, je trouve ça intense… » a laissé tomber Nadeau en guise de conclusion. Nous aussi, mais on adore!
La seconde impro de la période a été moins heureuse : l’arbitre a collé une seconde punition personnelle à Réal Bossé, la vingtième en carrière pour ce vétéran, ce qui a automatiquement mené à son expulsion du match. L’arbitre l’a accusé de vampiriser les idées de la joueuse des Bleus Corinne Giguère, ce sur quoi il n’avait pas totalement tort, mais méritait-il pour autant une punition? Les joueurs devront faire bien attention cette saison!
L’absence de Bossé n’a cependant en rien freiné l’élan de son équipe, les Oranges. Avec Bilan d’une crapule, on a eu droit à la première improvisation dramatique de ce match : un assassin condamné à mort a dû faire face, quelques heures avant son exécution, à la sœur de sa victime. Celle-ci, incarnée par une Joëlle Paré-Beaulieu en grande forme, en a surpris plus d’un en embrassant le condamné : « Je voulais que tu saches, avant de mourir, ce que c’est que d’être aimé ». Dans Saprés sodomites, une impro mixte à la manière de Louis de Funès, Nadeau et Courchesne ont à nouveau mesuré leurs talents dans une joute verbale relevée, remportée par le joueur Orange. Avec une seule impro à jouer, les Bleus étaient déjà hors combat, mais ils ont lutté jusqu’à la fin pour décrocher un ultime point. Le pointage final : 7 à 5 pour les Oranges, qui engrange une première victoire.
Les étoiles de la rencontre
Première étoile : Jean-François Nadeau
Deuxième étoile : Joëlle Paré-Beaulieu
Troisième étoile : Louis Courchesne
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Prochain rendez-vous, le 10 mars : les Rouges affronteront les Verts.