Ville de Québec

Les Fabuleuses : authentiquement queer

Premier Acte présente, jusqu’à la fin du mois d’avril, une création originale du collectif À Gorge Déployée, Les Fabuleuses, un texte de Pierre-Olivier Roussel inspiré de son expérience personnelle et celle des comédien·nes. Cette pièce de théâtre se déroule dans un atelier de confection de costumes, où six ami·es se réunissent avant d’aller prendre part à la marche des fiertés. La célébration amène les jeunes adultes à discuter des oppressions et discriminations vécues par les personnes LGBTQ+, à réfléchir aux droits acquis grâce aux luttes militantes, à ceux actuellement mis en péril et aux inégalités persistantes. Au fil des diverses conversations, alors qu’iels se maquillent et essaient des costumes pour la Pride, tout en prenant du vin et des shooters, les protagonistes se confrontent à la divergence inattendue de leurs opinions. Leurs désaccords font surface, le ton hausse et les festivités prennent un goût de plus en plus doux-amer.

D.écimées : retrouver ses origines

Alors que le scandale des pensionnats autochtones fait couler de l’encre. Que la mémoire des orphelins de Duplessis demeure vive. Que les pressions sur le gouvernement s’intensifient afin d’autoriser un plus grand accès aux informations pour les parents biologiques et les enfants adoptés ou non adoptés qui ont été séparés à la naissance. Que les impacts des dissociations précoces mère/poupon sont de mieux en mieux étayés, la pièce, D.écimées, présentée au Théâtre Périscope par la compagnie Les Gorgones en coproduction avec Carte blanche, est en phase avec son époque.

N’essuie jamais de larmes sans gants : un requiem finement orchestré qui fait œuvre de mémoire

Le Théâtre du Trident fait œuvre de mémoire en cette fin d’hiver en présentant la production, N’essuie jamais de larmes sans gants, d’après le roman de l’écrivain, dramaturge et scénariste suédois Jonas Gardell, adapté pour la scène par Véronique Côté, comédienne autrice et metteure en scène de Québec. La pièce retrace, à travers les péripéties des membres d’une petite cellule gaie de Stockholm, les débuts du sida. Alors que cette nouvelle infection mortelle se répand à une vitesse folle et touche prioritairement les communautés homosexuelles, la société cherche des coupables et impute à ces communautés l’apparition du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et la progression de l’étrange maladie qu’elle génère, au lieu d’explorer des moyens de protéger et d’aider les personnes les plus exposées.

Le Show sur l’effondrement qui n’aura pas lieu : une singulière assemblée

Porté par un collectif d’artistes et produit par le Bureau de l’APA, Le Show sur l’effondrement qui n’aura pas lieu est présenté par ses créateurs comme une conférence-démonstration. À l’intérieur d’une structure de départ consacrée, une assemblée générale est déboulonnée par ses participants, lesquels incluent le public. Livré sous forme de journal de bord, le discours qui étaie la performance se frotte aux distorsions causées par les voix, les sons, la musique, les images et les actions dans une sorte de désordre organisé. Les interprètes (Laurence Brunelle-Côté, Bernard Langevin, Félix Fradet Faguy, Marie-Loup Cottinet, Julie Cloutier Delorme, Robert Faguy et Alain-Martin Richard) y incarnent leur propre rôle pour donner libre cours à leurs réflexions sur la notion d’effondrement appliquée tant à l’individu qu’à la société.

Là-bas : La valise comme métaphore du voyage intérieur

La sagesse populaire dit que dans le voyage ce n’est pas la destination qui importe, mais la route pour s’y rendre. Les trois comparses de Là-bas, lorsqu’ils arrivent sur scène soudés ensemble et ne formant qu’une seule bibitte, l’apprendront à leur corps défendant. L’empilement des valises sur le plateau indique d’emblée à quel genre d’aventure le public peut s’attendre. Mais dans une sorte d’inversion malicieuse, on comprend aussitôt que ce sont les malles et mallettes qui décideront de leur périple, pas eux.

Le garçon de la dernière rangée : une intrigante sensation de catastrophe imminente

Le garçon de la dernière rangée relate les élucubrations d’un étudiant sournois et ténébreux, Claude (Vincent Paquette), qui s’immisce dans la demeure d’un camarade de classe, Raph (Samuel Bouchard), pour satisfaire sa curiosité maladive. En transposant par écrit son expérience intrusive, il avive un besoin malsain chez son professeur de littérature (Hugues Frenette) qui, à l’instar des spectateurs, se transforme en voyeur par personne interposée. Le talent de Claude pour les lettres se démarque des compositions insipides des autres étudiants, ce qui pousse l’enseignant blasé à provoquer, par le biais de critiques acerbes, les desseins déviants de son élève.

L’éveil du printemps : un hommage réjouissant aux désirs libres

Inspiré de l’œuvre de Frank Wedekind du même nom, L’éveil du printemps est une ravissante réécriture imaginée par David Paquet (Porc-épic, 2h14), mis en scène par Olivier Arteau (Doggy dans Gravel, Made in Beautiful (La belle province)). Pièce censurée pour sa dénonciation de « l’hypocrisie puritaine » du 19e siècle, elle conserve une pertinence déconcertante encore aujourd’hui en raison des thèmes qui y sont abordés. La coproduction du Trident et du Théâtre Denise-Pelletier reprend les sujets évoqués dans le texte original, soit les violences sexuelles, l’homosexualité, le BDSM, la masturbation et le suicide – principalement leur caractère tabou -, en les bonifiant de perspectives et d’enjeux plus actuels, tels que les questions environnementales et d’identités de genre. Le spectacle dépeint l’éveil du désir et l’acceptation de soi, dans un monde de destruction et de domination patriarcale capitaliste, faisant ainsi l’éloge du pouvoir des corps et de leur rencontre en dépit de la peur.

Albane : briser le cycle infernal de l’atavisme

Première production de la compagnie théâtrale La bouche _ La machine, Albane d’Odile Gagné-Roy est également la première mise en scène de cette jeune autrice et comédienne qui interprète le rôle-titre dans le spectacle. À l’ouverture des portes de la salle, six des sept personnages de la pièce sont déjà en place, immobiles comme des êtres inanimés qui attendent qu’on leur prête vie. L’impression qui se dégage du décor et des accessoires, dont certains sont surdimensionnés, des masques et des maquillages ainsi que de l’éclairage est intrigante et d’emblée porteuse de promesses.

Les glaces : au jour de la débâcle

Se fracasser contre les glaces provoque des secousses, génère du vacarme, crée des dommages ! Les glaces que l’autrice Rébecca Déraspe a choisi de briser dans cette œuvre théâtrale bousculent, heurtent et ouvrent le précipice béant du passé dans lequel Noémie (Valérie Laroche), Vincent (Christian Michaud) et Sébastien (Olivier Normand) dégringolent, entraînant leurs proches dans leur sillage. Vingt-cinq ans après l’événement qui a bouleversé sa vie, Noémie décide de se confronter à ses agresseurs et de les accuser personnellement de viol. Sans se consulter préalablement, les deux hommes retournent dans le Bas-Saint-Laurent, en plein hiver, pour tenter de calmer les choses. Mais les plaies, même recouvertes d’épaisses couches de gel, demeurent vives.

Kitchen Chicken : un antidote à la morosité

Après avoir été présentée pour la première fois à Québec dans le cadre du Mois Multi, en 2019, et avoir conquis, entre autres, Lyon, Vancouver, Toronto, Kingston, Montréal, Rimouski, sans oublier Saint-Casimir, la production Kitchen Chicken de L’orchestre d’hommes orchestres (L’ODHO) atterrit au Théâtre Périscope pour égayer le mois de décembre, semer de la joie, de l’éclat et de l’admiration en cette saison du temps des Fêtes. Les mots semblent tous trop faibles pour décrire l’explosion de bonheur que suscite la représentation. Pour rendre justice à la virtuosité vocale de Gabrielle Bouthillier et Danya Ortmann. Pour saluer les performances musicales et théâtrales de l’équipe d’interprètes qui, en plus des deux jeunes femmes, est composée de Bruno Bouchard, Jasmin Cloutier, Simon Elmaleh et Philippe Lessard-Drolet.