Par Daphné Bathalon

C’est le lundi 6 juin que se jouait au Club Soda la grande finale de la 32e coupe Charade. Qui, des Rouges FTQ de Jean-Philippe Durand, ou des Oranges Atelier VAP de René Rousseau, d’ailleurs cinq fois champions de la coupe depuis 2000, allaient inscrire leurs noms sur le précieux trophée? La finale a été à l’image de la saison : chaudement disputée, imaginative, rapide et éclatée, mais avec des joueurs souvent punis et rappelés à l’ordre.

Crédit photo Hugues Bergevin
Crédit photo Hugues Bergevin

Les joueurs des deux équipes ont démontré dès la première improvisation de la soirée qu’ils étaient déterminés à repartir avec les honneurs devant une salle comble, remplie de leurs pairs, de jeunes improvisateurs admiratifs, de médias, de partenaires et propriétaires des équipes et de fervents amateurs d’impro. L’énorme pression et la grande nervosité de certains jouteurs ne se sont pourtant pas fait immédiatement sentir.

En première improvisation, Flirter avec une salope, les joueurs Eve Landry (Rouges) et Jean-François Aubé (Oranges) ont en effet cassé la glace de superbe manière avec une improvisation de 10 minutes à la structure narrative solide et aux personnages bien campés ; Landry dans le rôle d’une femme qui se fait passer pour une mijaurée pour séduire un homme et lui voler son argent, et Aubé dans la peau d’un homme d’âge mûr tombant malgré tout sous le charme. Ils se sont finement joués des clichés et ont montré une belle maîtrise du temps. Que demander de plus pour lancer une finale de saison?

Crédit photo Daphné Bathalon
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Les Oranges ont ouvert la marque en remportant cette impro, mais les Rouges les ont suivis de près en marquant à leur tour avec l’improvisation Un palliatif au pansement, que le capitaine des Rouges, Simon Boudreault, a mené d’un bout à l’autre. C’est en troisième impro que la sauce a failli tourner pour les deux équipes, alors que l’arbitre en chef, Simon Rousseau, a fait pleuvoir les punitions sur les deux équipes en guise d’avertissement pour la mixte Le 7e étage, à la manière d’un documentaire d’enquêtes non résolues. Sérieux, l’avertissement : une punition de retard de jeu aux Oranges, une punition majeure de confusion et une punition majeure de non-respect du thème aux deux équipes, pour un impressionnant total de 9 points de pénalité! Avec cinq punitions, les Oranges ont dû accorder un point à leurs adversaires, qui leur ont rendu la pareille, puisque cumulant de leur côté quatre punitions. On a rarement vu une telle avalanche dans un match des séries, encore moins en finale! L’analyste Christian Vanasse et le maître de cérémonie Nicolas Pinson eux-mêmes n’en revenaient pas.

L’avertissement a paru être pris très au sérieux par les deux équipes, ce qui a permis au match de gagner un nouvel élan avec la très amusante comparée Jour des poubelles, pour laquelle les Rouges ont proposé un couple en instance de décomposition totale, et les Oranges l’amour éperdu d’une femme pour un éboueur sexy malgré lui. Une construction solide et une interprétation hilarante de Pier-Luc Funk (toujours très fort en mime) ont fait prendre les devants aux Oranges 4 à 2 en cette fin de première période.

Crédit photo Hugues Bergevin
Crédit photo Hugues Bergevin

Le début de deuxième période a été plus laborieux, avec la mixte Cigarette, casquette et salopette, que l’arbitre a sanctionnée de trois punitions (confusion aux deux équipes et retard de jeu à la capitaine des Oranges, Sophie Caron), et la comparée Corrida de rue, dont le joueur LeLouis Couchesne n’a pas semblé quoi faire, malgré l’entrée en scène de ses coéquipiers, venus l’aider. Les Oranges ont pour leur part soulevé l’enthousiasme du public avec leur proposition haute en couleur, en séduction et en vocalises. Le point marqué par les Oranges pour cette sixième impro a paru fouetter leurs adversaires, traînant derrière par trois points.

Si la sans parole Le tragique incident impliquant un kilt, des rollerblades et des pépites de poulets n’a pas désarçonné les joueurs Boudreault et Funk, le public a eu plus de mal à suivre le fil de leurs péripéties absurdes. La période s’est toutefois conclue par une magnifique comparée de 7 minutes de la part des Oranges, sur le thème Juste avant les dernières lueurs du jour. S’éloignant du ton plus humoristique qui caractérise souvent les impros de leur équipe, les Oranges ont construit un drame autour d’un felquiste arrêté et condamné à mort, d’un jeune gardien canadien-français sensible à la cause et du rêve d’un pays. Les Oranges y sont allés de cette histoire forte pour marquer les esprits, au moins jusqu’au vote du public, repoussé en troisième période, après la proposition, également assez intéressante et sensible, des Rouges. Le public en a toutefois décidé autrement, peut-être par envie d’égaliser les chances entre les équipes, et a accordé un 4e point aux Rouges. Un léger manque d’écoute des Rouges leur a néanmoins valu une troisième punition, de confusion, maintenant l’écart au pointage.

Crédit photo Hugues Bergevin
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Cette finale aux improvisations très variées et aux univers riches s’est poursuivie avec une troisième période en dents de scie, où la pression s’est fait davantage sentir. Les Rouges ont poursuivi leur lente remontée en remportant une troisième improvisation consécutive, la comparée Bottes de bitchs, fort bien menée par le capitaine Boudreault. Mais on est resté dans l’anecdotique avec La pertinence des costumes de L’auberge du chien noir. Avec à peine 4 minutes au compteur et un pointage de 8 à 6 pour les Oranges, les noms des gagnants étaient déjà pratiquement inscrits sur la coupe (à moins de nouvelles punitions…) La période s’est terminée sur une mixte de 20 minutes qui aurait pu se révéler très intéressante si elle n’avait pas été interrompue par la sirène de fin de match après à peine 3 minutes. Vraiment dommage, car Eve Landry et Jean-François Aubé s’apprêtaient à boucler la finale avec une histoire aussi porteuse que celle avec laquelle ils l’avaient ouverte, trois périodes plus tôt. On ne saura donc jamais ce qu’il adviendra de ces deux voyageurs esseulés après leur embarquement à bord du Mauriartie…

Crédit photo Daphné Bathalon
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Sur les bancs des équipes et dans le public, on savait en revanche parfaitement entre les mains de qui allait se retrouver sous peu la coupe Charade! Mais avant de procéder à la remise officielle aux champions 2016, les trois dernières étoiles de la saison ont été décernées : la troisième à Simon Boudreault pour sa belle maîtrise des personnages et s’être toujours mis au service de l’histoire, la deuxième à Jean-François Aubé (qui a également reçu la mention Antidote), pour sa finesse et son érudition, et la première à Eve Landry, pour sa grande implication dans les impros de la soirée.

Après la remise des trophées individuels, ce sont des Oranges très émus qui ont fait le traditionnel tour de la patinoire avec la coupe Charade, remise par le multiple champion Claude Legault. La capitaine, Sophie Caron, dont c’est la 8e coupe Charade en carrière, s’est adressée aux parents présents dans la salle et à ceux à l’écoute sur le Web (grâce à la magie du direct), les invitant à ne pas s’inquiéter si leur enfant souhaite faire de l’impro. Elle a aussi ajouté à quel point leur soutien est précieux, à tout âge.

Crédit photos Daphné Bathalon
Crédit photos Daphné Bathalon

Bien que la saison régulière est maintenant terminée, la LNI ne chômera pas. Elle sera notamment au Zoofest cette année, où elle proposera Prélude aux Olympiques – Les épreuves refusées de RIO 2016, qui promettent d’être assez drôles. Du même souffle, le directeur artistique François-Étienne Paré a annoncé la poursuite des activités de formation de la LNI dans les écoles et les entreprises et le retour de La LNI s’attaque aux classiques à Espace Libre en 2016. De belles nouvelles!


Les lauréats des trophées individuels

Trophée Robert-Gravel (champion compteur)
Pier-Luc Funk

Trophée Pierre-Curzi (recrue de l’année)
Marie-Ève Morency

Trophée Marcel-Sabourin (le plus apprécié par ses pairs)
Jean-François Aubé

Trophée Beaujeu (le plus étoilé)
Jean-François Nadeau

Coupe Antidote (anciennement Yvon-Leduc)
Laurent Paquin

Prix du public
Pier-Luc Funk

Crédit photo Hugues Bergevin
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