Passagers – Tout le monde à bord!

par Daphné Bathalon

C’est dès l’entrée dans le hall de La TOHU que le départ se fait pour la nouvelle création des 7 doigts de la main. Bancs publics, valises, chemin de fer : l’invitation à prendre le train est lancée.

Hommage au voyage et à tout ce qui l’accompagne (attente, au revoir, nostalgie, peur, tristesse aussi bien que bonheur, excitation ou ennui…), Passagers met à l’honneur le mouvement. De celui qui nous précipite les uns contre les autres dans une gare très achalandée, à celui qui nous projette à toute vitesse dans l’espace alors qu’on se tient immobile dans un train, le mouvement ne s’arrête jamais.

Crédit Andrew Miller

Dans un joli premier numéro, les souffles réunis des artistes de la troupe mettent en branle la machine. Leurs soupirs combinés donnent poétiquement naissance au célèbre tchou-tchou du train à vapeur. Le rythme accélère et le voyage commence.

Grande force des 7 doigts, l’esprit collectif qui anime les huit artistes en scène donne une chaleur et un ton très personnel au spectacle. C’est d’ailleurs ce qu’on retient à l’issue de la soirée, plus que les numéros pris séparément. Au soir de la première médiatique, une certaine nervosité est venue brouiller la fluidité de certaines performances. C’était particulièrement apparent dans le premier numéro de hula hoop. Et il aura fallu attendre plus de la moitié du spectacle pour qu’un numéro, le trapèze impeccable de Sabine van Rensburg (aussi impressionnante au tissu aérien), soulève l’enthousiasme du public. Au mât chinois (Conor Wild) et au cadre russe (Samuel Renaud et Louis Joyal), les artistes coupent également le souffle, mais bien plus tard dans le spectacle.

Crédit Andrew Miller

Passagers regorge pourtant de belles trouvailles, comme ces boules de foin humaines et des passages merveilleusement bien chantés par les artistes eux-mêmes. La production peut d’ailleurs compter sur une très jolie trame sonore (à écouter sur Bandcamp), conçue par Colin Gagné, en collaboration avec Jean-Sébastien Leblanc, Boogàt, Freyja Wild (qui interprète au ukulélé une des plus belles pièces du spectacle) et Jérôme Guilleaume. Sur des airs tantôt plus folk, tantôt plus jazz ou blues, la musique accompagne magnifiquement chacun des numéros. Le numéro de jonglerie très amusant de Sereno Aguilar Izzo et celui, très sensible, du fildefériste Brin Schoellkopf, bénéficient beaucoup de cet apport musical. La réinterprétation de Creep pendant un numéro de contorsion à bord d’un wagon, seulement suggéré par quelques accessoires et des chaises, se révèle aussi un moment fort du spectacle.

Porté par un rythme en constant changement, entre accélération et décélération, Passagers nous transporte avec lui dans une série de moments remplis d’émotions, de pensées et de gestes reliés au voyage. La mise en scène et les chorégraphies de Shana Carroll, inspirée par des souvenirs d’enfance, laissent le tout respirer d’une manière très naturelle, que les projections sur trois écrans, dont un énorme en arrière-scène, écrasent malheureusement parfois. La superposition des écrans et des animations, aussi originales soient-elles, distrait le regard pendant la plupart des numéros.

Crédit Andrew Miller

Passagers évoque avec une grande sensibilité la poésie du mouvement dans l’espace. Ces sentiments contradictoires qui nous agitent pendant le voyage, la nouvelle production des 7 doigts de la main leur donne vie dans un grand souffle ponctué de départs et d’arrivées, de bienvenue et d’au revoir.

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