TOQAQ MECIMI PUWIHT/Delphine rêve toujours : le tambour et les mots pour exister

TOQAQ MECIMI PUWIHT/Delphine rêve toujours : le tambour et les mots pour exister

Ondinnok s’associe au Théâtre de la Vieille 17 d’Ottawa pour proposer aux enfants de 4 ans et plus TOQAQ MECIMI PUWIHT/Delphine rêve toujours, écrit par le directeur artistique Dave Jenniss. Ce conte initiatique sur la transmission est présenté ces jours-ci au Théâtre jeunesse Les Gros Becs, puis partira en tournée, visitant d’ici avril 2023 Beloeil, Toronto, Montréal et Sudbury.

Toqaq. C’est l’automne. Les outardes chantent leur départ vers le sud. Les arbres se peignent en rouge. Et Delphine vient de perdre son « mushum », son grand-père. Elle aide son père à vider la maison ancestrale, mais ne retrouve pas son vieux tambour. Alors qu’elle part à sa recherche, elle tombe dans le monde des esprits, où la créature Kiwahk sème la terreur chez les animaux. Elle fait la rencontre d’un porc-épic et d’une chouette chanteuse qui croient qu’elle pourra les aider. Mais il lui faudra avoir la « force du caribou (…) et le cœur aussi chaud que le soleil » pour affronter le Kiwahk et le pousser à retourner dans le tambour.

Au-delà de la transmission, Jenniss aborde le courant inspirant des dernières années de la réappropriation de la culture des ancêtres par la jeunesse des Premières Nations, que ce soit par le réapprentissage de la langue, des chants et des mythes. Il oppose ici un père « occidentalisé » un homme qui, entre autres, n’avait pas vu l’utilité d’apprendre le maniement du tambour quand il était petit, ou qui utilise sa langue maternelle quand il est fâché, à cette Delphine rêveuse, qui retrouve des mots (ici en wolastoqey) et des mélodies presque oubliés. Elle lui fera la promesse, en fin de course, de lui apprendre le tambour, de retrouver l’ancêtre en lui. Cette quête est possiblement l’atout principal de cette proposition théâtrale.

La mise en scène signée Milena Buziak (Traversée, Le cheval de bleu) demeure toujours dans la douceur, malgré un certain dynamisme chez le personnage de Delphine. Même le vilain Kiwahk, interprété par Geneviève D’Ortun, n’est pas (si) terrifiant. La musicienne utilise à bon escient un saxophone pour imiter le souffle de la bête (un effet plutôt réussi), mais adoucit son « cri » en jouant quelques notes presque jazzées.

Les yeux plus adultes pourraient accrocher sur le jeu parfois limité des comédien.ne.s, empêchant, de temps à autre, une réelle immersion dans cette forêt mystérieuse. Difficile d’oublier le père que joue Christian Pilon, alors que le comédien doit aussi interpréter le rôle du porc-épic. Dans le rôle de Delphine, Jemmy Echaquan Dubé trouvera assurément ses marques au cours de la tournée pour insuffler à la jeune fille plus de nuances. La créatrice et comédienne bispirituelle Emily Marie Séguin amuse dans le rôle de la chouette (son masque est d’ailleurs magnifique), et pousse la note souvent avec adresse ; il aurait été intéressant, cependant, de savourer davantage son talent de musicienne, alors qu’elle partage une pastille sur scène avec D’Ortun, entourée d’instruments.

Chaque représentation est précédée d’une cérémonie privée de purification à la sauge, qui embaume la salle lors de l’entrée du public. L’odeur, les mots en wolastoqey employés au cours de la pièce, les chants et les croyances animistes font de TOQAQ MECIMI PUWIHT/Delphine rêve toujours une jolie initiation, tout en douceur, pour les jeunes spectateurs et spectatrices avides d’en savoir plus sur ce qui les entoure – à preuve, leur désir de saluer tout et chacun d’un kwe! aussi joyeux que chaleureux, du moins au cours de la représentation à laquelle Théâtre.Québec a eu la chance d’assister…

La pièce est présentée du 9 au 13 novembre 2022 au Théâtre jeunesse Le Gros Becs et
à la Maison Théâtre du 28 mars au 9 avril 2023.

Crédit photo Marianne Duval

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