The Loony Bin : Des marionnettes joyeusement déconfinées

The Loony Bin : Des marionnettes joyeusement déconfinées

Après avoir été contraint à l’arrêt pendant deux ans par une certaine pandémie, l’inimitable marionnettiste Ronnie Burkett était de retour à Montréal, à la Maison internationale des arts de la marionnette (MIAM), le temps de cinq représentations avec une nouvelle création encore au stade exploratoire. Car que fait un marionnettiste tenu loin des salles de théâtre sinon dresser un castelet de poche dans son salon et s’amuser avec ses créatures d’infortune?

On retrouve dans The Loony Bin l’imagination débridée de Burkett et son incroyable dextérité tant à la manipulation des marionnettes qu’avec les mots et même la chanson. Pas une seule ligne sans punch et pas une seule apparition de personnages (que le marionnettiste incarne tous) sans exclamations enthousiastes du public de la MIAM. Il est en effet plutôt difficile de ne pas afficher un loony grin en replongeant dans cet univers scénique excentrique où rien n’est politiquement correct.

Dans The Loony Bin, l’autrefois célèbre artiste Vealma Abattoir (« the cow who jumped over the moon« ) est rattrapée par ses dettes. Elle doit compter sur ses camarades de scène, amis et ennemis, pour que le spectacle continue. On comprend toutefois très vite que la mise en situation n’est que prétexte pour présenter toute une galerie de personnages. Aux déboires de Miss Abattoir viennent en effet se greffer plusieurs petites scènes faiblement reliées les unes aux autres. Chaque personnage n’a que peu de temps pour un petit tour de castelet, se présenter, saluer le public, nous confier ses motivations ou préoccupations et déjà il repart. En plus de l’adorable Miss Abattoir, aux délicats déshabillés et robes de soirée (des créations de Kim Crossley), quelques têtes familières se glissent parmi les nouveaux venus. L’unique et si attachant enfant-fée Schnitzel, à la voix de crécelle, et la diva aux charmes défraîchis Esmeé Massengill font ainsi leur apparition au cours de spectacle. Le fil narratif s’égare rapidement en coulisses, éclipsé par cette impressionnante ribambelle.

Irrévérencieuses, sans filtres et cette fois sans fils, les marionnettes de Burkett ont tout pour séduire. Magnifiquement détaillées, même dans leur forme de marionnettes à gaine, elles prennent vie grâce à une manipulation très précise qui donne à chacune une personnalité distincte, de la star du show au gérant roublard en passant par le banquier aux allures vampiriques et l’ambitieuse porcine désireuse de voler la vedette. La main de maître qui anime ces marionnettes réjouit autant qu’elle impressionne.

The Loony Bin est un joyeux bordel, comme Burkett en a le secret, mêlant les références pour adultes aux leçons dans l’art de la marionnette dans un métathéâtre où les personnages sont très conscients de leur nature d’objets manipulés, ce qui donne lieu à des moments touchants au milieu des rires.

Tout compte fait, le spectacle divertit plus qu’il ne raconte une histoire. Mais si l’intrigue paraît plutôt secondaire, le plaisir domine la représentation aux élans spontanés grâce au florilège de personnages à la langue bien pendue si bien interprétés par Burkett, dont chaque visite à Montréal est encore et toujours une fête de la marionnette.

The Looney Bin, du 8 au 12 novembre 2022 à la MIAM

Crédit photo Alexander Mantia

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