Ici ou (pas) là : l’art zen de la transformation

Ici ou (pas) là : l’art zen de la transformation

Avec sa production Ici ou (pas) là, dernière pièce de son triptyque jeune public, le collectif français Label Brut ouvrait de belle manière le 18e Festival de Casteliers. Sur la scène du Théâtre Outremont, métamorphosée en castelet géant par de nombreuses voilures blanches, la pièce nous transporte dans un monde en transformation constante.

Une silhouette engoncée dans une large cape quitte soudain l’anonymat de la salle pour monter sur scène où elle se dépouille peu à peu de ses oripeaux pour se révéler à soi-même et aux autres. Mais tout se transforme encore, et le personnage perd ses membres les uns après les autres. Ceux-ci se détachent de lui pour mieux se balader en liberté, ils grandissent, s’étirent… jusqu’à devenir carrément quelqu’un d’autre.

Changer (ou pas), rester (ou pas), s’accrocher au connu (ou pas)? Spectacle presque sans paroles porté par Laurent Fraunié, qui signe également la mise en scène, et son complice en coulisses Martin Rézard, Ici ou (pas) là se penche sur l’impermanence des choses. Comme l’enfant qui vit de l’intérieur la métamorphose de son propre corps, ce qui était pour nous une certitude se révèle soudain tout autre chose. Seul en scène, au fil de facéties qui font doucement rigoler le public, le personnage nous pose de grandes questions : comment réagir face à l’impulsion de changer pour s’adapter? Est-il possible de changer tout en restant fidèle à soi-même, unique? Comment trouver sa place?

D’abord plus clownesque que marionnettique, la production fait néanmoins un usage ingénieux du mannequin, alter ego du personnage déboussolé par sa propre transformation. Toutefois, le langage principal du spectacle demeure le mouvement, la danse du corps de l’interprète, mais aussi celle des rideaux qui en s’ouvrant dévoilent une profondeur après l’autre, créant un effet de perspective sur scène aussi surprenant que vertigineux, notamment grâce à de beaux jeux d’éclairage et des projections dont on aurait pris encore plus.

Dans cette superbe scénographie de Grégoire Faucheux, Ici ou (pas) là s’apprécie comme un rêve un peu absurde où il semble impossible de se raccrocher au fil de notre logique, là où tout a à la fois du sens et aucun. Petite bulle zen, cocon réconfortant, la production nous fait découvrir le plaisir de la transformation.

Crédit photo Sylvain Séchet

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