FTA 2023 – La chambre des enfants : Plus de théâtre jeunesse au FTA svp!
FTA 2023 – La chambre des enfants : Plus de théâtre jeunesse au FTA svp!
Avec la disparition du festival international de théâtre jeunesse Les Coups de théâtre, annoncée il y a quelques mois, on ne peut que se réjouir de voir le Festival TransAmériques faire une petite place au théâtre jeune public dans sa programmation 2023. Après avoir assisté à La chambre des enfants, on en réclame encore plus ; un festival comme le FTA offrant une rare occasion d’explorer des styles de théâtre jeune public résolument différents de ceux auquel le public de moins de 17 ans est exposé en saison régulière vaut son pesant d’or.
La production onirique de L’eau du bain rassemble les grandes forces de la compagnie montréalaise : une conception visuelle soignée et une ambiance sonore immersive. Plantée dans le décor de White Out, autre spectacle présenté par L’eau du bain au FTA, La chambre des enfants s’appuie sur une jeune distribution de sept enfants, dont les rêves éthérés transforment un espace vierge en grands voyages dans l’imaginaire. La chambre, avec un lit pour tout mobilier, est un cocon doux où ils peuvent aussi bien lire un livre, se réfugier quand gronde l’orage ou livrer une bataille de couvertures que bondir de nuage en nuage… Habituée à travailler avec des non-professionnels, la metteuse en scène Anne-Marie Ouellet s’est ici laissée guider par la façon dont les enfants habitent joyeusement la chambre pour tracer les contours d’un spectacle qui se rapproche de l’expérience sensorielle.
Qu’elle soit petite ou vaste, sombre ou baignée de lumière, la chambre des enfants dans une maison est une pièce en perpétuelle transformation. Sous l’impulsion de l’imagination des enfants, et à la façon d’une scène de théâtre (tiens, tiens…), elle se change en lieu de tous les possibles. Sur le plateau blanc enveloppé de brume de La chambre des enfants, les corps des jeunes interprètes dont on ne distingue pas même les traits se transforment aussi. Découpées en clair-obscur, leurs silhouettes rappellent celle taquine de Peter Pan, qui refuse de rester sagement en place. Au gré des rêveries, les silhouettes deviennent cailloux sur la plage, montagnes pointues, loups effrayants, arbres tordus… Les corps des enfants tracent des paysages pour les histoires qu’ils se racontent. C’est un monde qui s’invente et s’anime en permanence.
Hommage à la puissance de l’imagination, La chambre des enfants célèbre aussi par la bande l’art perdu du désœuvrement. Ce sont ces heures sans horaire ni obligations qui permettent à l’esprit de s’évader. Pleine de langueur sans être monotone, la pièce se déploie ainsi avec lenteur, rappelant parfaitement cet état flou et insaisissable, caractéristique du songe, dans lequel la réalité n’a plus à suivre les règles de la logique. Quelques mots échangés entre les enfants percent ici et là au milieu des songes, mais ils sont presque superflus dans ce monde fantasmagorique. La musique atmosphérique de Thomas Sinou et les éclairages aux couleurs vives de Nancy Bussières donnent en effet à l’ensemble toute sa force évocatrice. La trame sonore en particulier colore les rêves en les teintant tantôt d’un air zen, au son des vagues s’échouant sur la grève, tantôt inquiétant, quand la forêt se fait soudain menaçante ou que la fièvre agite le sommeil des enfants.
La chambre des enfants alourdit les paupières en nous invitant à la rêverie. On en émerge comme d’une sieste impromptue, un brin désorienté.e et l’esprit brumeux, mais avec le sentiment d’avoir fait un rêve des plus agréables.
Crédit photo Jonathan Lorange